De l’égoportrait à la bienveillance
Tourisme vert, écotourisme. Slow tourisme, tourisme communautaire, tourisme solidaire. Tourisme équitable, tourisme responsable. Tourisme durable. Tous ces vocables sont comme des poupées russes qui s’empilent sur un seul type : le tourisme de bienveillance.
La Chaire de tourisme Transat, en collaboration avec Tourisme Montréal, a dévoilé, le 21 janvier, les sept tendances qui continueront de rythmer l’activité touristique pour les prochaines années. Les conférenciers Paul Arseneault et Pierre Bellerose ont partagé le fruit de leurs réflexions afin d’aider les entreprises à amorcer la nouvelle décennie.
Le tourisme bienveillant englobe au départ la notion de respect de l’environnement naturel, puis celle du bien-être des sociétés visitées et, enfin, celle de la participation au développement de l’économie locale. C’est une forme de tourisme qui protège chaque type de voyage avec le vernis de l’indulgence, de la compréhension et d’une certaine forme d’altruisme envers un individu, un groupe, une communauté.
Moi et mon bien-être
La première apparition du mot selfie (égoportrait) date de 2002. En 2013, le phénomène devient assez répandu pour que selfie soit consacré Word of the Year (mot de l’année) par l’Oxford English Dictionary. Rapidement, il est toutefois perçu comme une preuve du narcissisme d’une nouvelle génération obsédée par sa propre personne.
Sa diffusion massive, associée à l’utilisation des réseaux sociaux, impose toutefois l’égoportrait comme une forme d’expression contemporaine incontournable. Et l’industrie du voyage ne tarde d’ailleurs pas à en mesurer tout le potentiel promotionnel. Des cadres géants sont placés à des endroits stratégiques pour inciter les voyageurs à se fondre dans le décor de la destination et à publier la nouvelle : « Je suis ICI! »
Durant ces mêmes années, les notions de bien-être et de santé globale prend de l’ampleur et se démocratise, alors que le stress vécu dans la vie tant professionnelle que personnelle atteint des niveaux alarmants. Maux de dos, hypertension, insomnie, fatigue chronique, tous ces maux modernes expliquent la recherche d’un meilleur équilibre entre la santé du corps et la paix de l’esprit. Entraînements personnalisés, massages, visites au spa, séances de yoga, nouvelles pratiques alimentaires, méditation sont devenus autant de moyens de s’évader, de se vider la tête, de se ressourcer, d’aspirer au bonheur.
Le voyageur et le bien-être
Brexit, attentats terroristes, crise des réfugiés, inondations records au Québec, histoire navrante d’une enfant maltraitée à Granby, il est difficile d’atteindre la paix et l’harmonie lorsque le malheur frappe quotidiennement nos écrans. Si l’anxiété est une réaction physiologique compréhensible à cette avalanche de mauvaises nouvelles, une réponse se trouve de plus en plus dans la manifestation active d’empathie et de bienveillance pour son entourage, sa communauté et la planète.
Le voyage devient l’occasion de prolonger et d’approfondir cette quête ou à tout le moins de maintenir ses saines habitudes de vie en période de vacances. L‘industrie touristique l’a, encore ici, rapidement compris en offrant de nouvelles expériences directement associées à la santé et au bien-être.
Cette tendance est telle que les activités autrefois liées au tourisme de bien-être s’intègrent maintenant dans l’offre d’une foule d’acteurs de l’industrie, de l’hébergement au tourisme nature, en passant par la restauration et les attractions. Spas en forêt, pauses de yoga à l’hôtel, thé matcha au menu du café du musée, il est de plus en plus difficile de départager l’offre de bien-être du bien-être infusé dans l’offre touristique.
Un bel exemple de cette fusion des genres est celui du Monastère des Augustines de Québec, qui se présente comme un « havre de culture et de mieux-être ».
Source photo : Monastère des Augustines
Certaines destinations réorientent même leur positionnement lorsque des joueurs majeurs de l’industrie investissent massivement dans cette tendance. Il en est ainsi de la Ville d’Austin, au Texas, qui appuie les investissements privés par la construction d’infrastructures publiques destinées à faire admirer le paysage jusqu’aux lieux de méditation, aménagés en bordure de l’eau. Le slogan d’Austin est ainsi passé de « Keep Austin Weird » à « Keep Austin Well ».
Des destinations bienveillantes?
C’est du moins le pari d’Auvergne Rhône-Alpes Tourisme qui, tout en maintenant son ambition de devenir une destination européenne de premier plan, mise sur un tourisme plus équitable, plus conscient et respectueux des collectivités et des écosystèmes, sur un tourisme plus lent et plus inclusif. Pour y arriver, cinq leviers ont été mis en place, notamment le Manifeste pour un tourisme bienveillant et un fonds de dotation qui vise à soutenir des initiatives telles que la sensibilisation à l’environnement et l’accessibilité aux publics handicapés.
En résumé…
Le voyage offre de plus en plus d’occasions de satisfaire les besoins de l’âme et de mettre les voyageurs en contact avec l’autre.
Après la prise en compte des dimensions physiques, sociales et économiques des sociétés visitées, vient celle de l’ouverture à la différence et à la marginalité. Dans un monde étourdissant et anxiogène, les valeurs actuelles d’altruisme et de bienveillance font tranquillement leur chemin et viennent colorer de plus en plus le secteur du voyage.
Pour connaître l’ensemble des tendances et trouver du contenu supplémentaire, nous vous invitons à consulter le livre blanc Tendances touristiques 2020 : paradoxes et transformations.
VEILLETOURISME.CA DU 27/01/20
Etude réalisée par France Lessard