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Demain le tourisme : après la crise covid, quelles évolutions comportementales à prévoir pour le tourisme ?

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Demain le tourisme : après la crise covid, quelles évolutions comportementales à prévoir pour le tourisme ?

18/06/20

Comment vont évoluer les comportements des voyageurs dans une société post-crise Covid ? Aujourd’hui, Josette Sicsic décrypte ces premières évolutions, en se basant sur les contributions des membres du groupe Facebook « Demain le tourisme » et sur les enquêtes menées par Touriscopie.

Dans cette rubrique que vous retrouverez régulièrement, nous vous proposons de lever le voile sur les fragments de futur que nous sommes en train d’entrevoir.

A la fois, à partir des contributions enregistrées par centaines dans le groupe Facebook « Demain le tourisme » que nous avons ouvert en avril et qui compte aujourd’hui quelque 2 500 membres, tous professionnels du tourisme.

Et grâce également aux enquêtes menées par Touriscopie.

Pour chaque point abordé, vous retrouverez le constat dressé par notre experte, Josette Sicsic, puis sa projection sur l’avenir du tourisme, baptisée « futuroscopie ».

Pour initier cette rubrique, nous avons choisi d’évoquer les évolutions comportementales qui sont en train de se profiler.

Sachant que celles-ci étaient déjà présentes dans la société avant la pandémie, et n’attendaient qu’à se diffuser parmi des segments de population plus nombreux. Avec des intensités et des rythmes variables selon les âges, les générations, les CSP, les origines géographiques…

  1. Le bond en avant de la sensibilité écologique et de « l’utopie écologique »

Premier point majeur : il aura fallu une crise de cette ampleur pour que la prise de conscience écologique fasse un bond en avant.

Le grand retour de la nature dans les villes associé au silence, à l’absence de pollution, à l’explosion de la végétation et de ses senteurs, a convaincu les plus réfractaires de la nécessité de changer de modèle de développement.

Selon le laboratoire des utopies de l’ADEME, l’utopie écologique l’emporte largement sur les autres avec 55% de suffrages.

Elle est suivie loin derrière par l’utopie sécuritaire : 31%, et encore plus loin par l’utopie tech, qui n’est plus qu’à 14% alors que dans les années 2000, un rapport prospectif de l’ONU privilégiait un scénario d’avenir entièrement basé sur la technologie. Autre confirmation, celle d’IPSOS…

Futuroscopie : de tels résultats qui ne sont que le prolongement d’une tendance amorcée depuis plusieurs années, impliquent de la part des professionnels du tourisme, des réponses en termes de construction, gestion de l’énergie, de l’eau, restauration, etc.

  1. Retour au vert : la ville a mauvaise presse

Dans la même veine, les agents immobiliers se frottent les mains.

Les recherches de logements en dehors des villes, dans des territoires protégés, oxygénés, chlorophyllisés, enregistrent en effet des records.

Même si le mouvement est passager, il n’en dénote pas moins une méfiance vis-à-vis de la ville et des nuisances urbaines et une forte envie d’échapper à de nouveaux épisodes épidémiques ou caniculaires.

Futuroscopie : le tourisme urbain doit s’organiser pour se montrer conforme à des demandes certes paradoxales et peu conformes à l’attractivité traditionnelle de la ville : le calme, la lenteur, l’isolement. La campagne et la montagne ont évidemment une carte majeure à jouer pour conquérir les vacanciers de cet été 2020 et des années suivantes.

  1. La petite reine : la vraie victoire des mobilités douces

Sur le plan des mobilités, bien que les Français soient massivement remontés dans leurs voitures pour éviter les transports en commun, le retour spectaculaire du vélo est indéniable.

Non seulement, il permet d’éviter les risques mais il est économique, écologique et bon pour la santé. Les villes cyclables (au nombre de 2 000) se frottent les mains.

Selon un sondage publié sur le site de la Fondation Nicolas Hulot, 38% des Français déclarent avoir pris conscience que leurs déplacements pourraient être faits davantage en proximité, à pied ou à vélo.

Selon les derniers chiffres publiés : l’enseigne Intersport annonce 4 000 vélos vendus par jour. C’est 2,5 fois plus que l’année précédente pour la même période, et même 3,5 fois plus pour les VTT.

 Futuroscopie : proposer des vélos y compris électriques et les chemins et itinéraires qui vont avec, devrait être systématique. Sans oublier les espaces de réparation.

  1. Manger sain, manger bien, manger local

Seule dépense essentielle, la consommation alimentaire de local a encore gagné des points.

Non seulement, le repas est redevenu un moment de plaisir et parfois de plaisir créatif, mais il est apparu comme un moment de convivialité retrouvée et un moyen supplémentaire de préserver sa santé, d’être solidaire des agriculteurs locaux et de contribuer ainsi à la préservation de la planète.

On a même enregistré que 47% des Français voudront désormais recourir davantage au bio – avec un pic à 60% chez les moins de 35 ans – tandis que 76% déclarent être prêts à privilégier le Made in France (Sources Cetelem).

Futuroscopie : dans un univers où le restaurant reste une dépense élevée pour les vacanciers, mieux vaudra jouer à fond la carte du local pour attirer et fidéliser une clientèle. On ne mangera plus comme avant sauf crise alimentaire (toujours possible).

 Le sans contact : un gagnant inattendu

Bien que les gestes barrières commencent à faiblir, qui n’a pas évité de se serrer les mains, renoncé aux embrassades et mis des distances entre des personnes, sans qu’il en reste des séquelles comportementales ?

La prise de distance entre individus va probablement, d’autant plus s’incruster dans le quotidien que certains ne vivent pas bien la surabondance d’embrassades imposées par nos codes sociaux (exception faite des proches).

L’usage du sans contact en matière de paiement ne pourra pour sa part que se développer d’autant qu’il est encouragé par les banques et les gouvernements soucieux d’éviter la fraude.

Par ailleurs, il n’est pas certain que le besoin de grégarité reprenne le dessus tout de suite. La tentation de l’isolement, la recherche du calme voire du silence pourraient s’amplifier.

D’ores et déjà, pour éviter les phénomènes de foules, les grands musées ont annoncé être prêts à renoncer aux grandes expositions. Du côté des concerts et événements, il faudra probablement intégrer cette nouvelle donne qui sera, selon nous, durable.

Futuroscopie : Quand on a goûté à un monde sans bruit et sans foule, on peut aspirer à y retourner. A tout âge. Profitez-en pour revoir vos politiques d’animation (camping, villages de vacances).

  1. Le syndrome de la cabane et le repli sur soi

Alors que le confinement a été assez bien vécu par une partie de la population, soit en famille, soit isolé, le déconfinement pour sa part, est encore très mal vécu par certains individus incapables à ce jour de reprendre une vie normale.

Le syndrome de la cabane qui immobilise chez eux certains individus pourtant autorisés désormais à sortir, préoccupe les psychologues ayant à faire à une pathologie inattendue.

Futuroscopie : Ces individus pourront-ils affronter des départs en vacances dans la foule des gares et aéroports et des séjours dans la cohue des plages et des stations de ski ?

  1. Le resserrement des liens familiaux

Malgré quelques agacements, le confinement a renforcé les liens familiaux.

Une enquête réalisée par les éditions Milan confirme que les familles se sont bien entendues et surtout que les grands-parents ont beaucoup manqué aux enfants. 79% sont dans ce cas.

83% des enfants disent vouloir passer plus de temps avec eux à présent et 84% veulent profiter plus de leurs parents… Ce n’est pas un scoop. C’est une confirmation.

A bon entendeur !

Futuroscopie : n’hésitez pas à développer une offre encore trop rare de séjours grands-parents et petits-enfants ainsi que les activités familiales.

  1. Bien chez soi, la victoire du télétravail

Tout le monde n’était pas à égalité face au logement. Néanmoins, il semblerait que cette parenthèse dans la bulle protectrice que représente la maison ait été plus appréciée que le contraire.

Beaucoup ont apprécié de télétravailler de chez eux malgré la gêne occasionnée par l’obligation de jouer les maîtres d’écoles.

Alors que le télétravail a beaucoup tardé à s’imposer en France, il semblerait qu’à l’avenir la solution (à temps partiel) sera retenue par bon nombre d’entreprises.

Selon une enquête OpinionWay-Square management, près d’un tiers des actifs ont testé le travail depuis chez eux au cours des deux mois de confinement et 40% souhaitent réitérer cette expérience de façon ponctuelle.

Futuroscopie : Ce qui implique que le secteur touristique devra de plus en plus équiper les hébergements proposés par un mobilier et des espaces propres au télétravail. Autre conséquence : amplifier l’offre de séjours flexibles permettant de louer un hébergement en décalé…

  1. Retour à l’essentiel

Le gouvernement aura peut-être du mal à relancer la consommation. En tout cas la consommation de ces produits futiles qui encombrent nos armoires, « dérision de dérisoire » comme le chante depuis 30 ans Alain Souchon.

53% des Français envisagent de réduire leur consommation et cela d’autant plus facilement que le marché de la deuxième main constitue aujourd’hui un rival sérieux pour le commerce du neuf.

Pourtant, pour le moment, 20% seulement des Français se sentent fragilisés sur le plan économique.

Futuroscopie : dans ce contexte, mieux vaut éviter les escalades tarifaires. Elles seront malvenues. Aujourd’hui et demain.

  1. Face à la défiance, on rassure !

La grande peur qui a touché l’ensemble de la planète a démontré, si besoin en était encore, la mondialisation des peurs. C’est un premier point.

Mais, elle a aussi contribué à amplifier le sentiment de défiance déjà bien présent dans notre société touchant autant l’école, la justice, les politiques, la presse, le médical…

Futuroscopie : Le secteur touristique d’abord perçu comme une victime de la pandémie, a pour sa part rapidement dû affronter la même défiance, augmentée par le comportement injustifiable des compagnies aériennes et la gestion hasardeuse de la fermeture et réouverture des frontières… Toute action de communication doit afficher bienveillance, sécurité, fermeté.

  1. On rassure surtout sur le sanitaire

Enfin, et ce n’est pas un bon point, le confinement a mis en lumière la dégradation des pratiques d’hygiène corporelle.

Le repli social s’est aussi accompagné chez nombre de Français d’une tendance à la dégradation de l’hygiène vestimentaire allant de pair avec une chute notable de leur estime de soi sur le plan esthétique.

En revanche, les craintes sanitaires ont augmenté. Visibles depuis plusieurs années, elles s’estomperont mais pas complètement.

Futuroscopie : les protocoles sanitaires, les labels… Oui, tous ces dispositifs sont indispensables et le resteront.

  1. Le changement devient une posture majoritaire

Dernier point, parmi les évolutions instantanées liées directement à la crise (que de nombreuses enquêtes ont scrutées), un constat intéressant réside dans le fait que plus de la moitié (57%) des Français considèrent désormais que leur mode de vie va se modifier.

Plus probant encore, selon l’Observateur des comportements de Cetelem, cette attitude a progressé de 14 points en un mois.

Un constat confirmé par d’autres enquêtes qui en dit long sur la plus grande perméabilité des Français au changement.

 

tourmag du 18 juin

 

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