Faire voyager en France : quel casse-tête
Allons-nous vers un nouvel idéal ou juste vers l’obsession de sauver les meubles ? La publicité et la communication sont souvent le premier budget sacrifié quand l’économie a le cou sous la guillotine. Elle est pourtant indispensable pour qui ne veut pas enterrer en même temps sa notoriété. Mais voilà : à court et moyen terme, quelle communication pour soutenir le tourisme et le secteur du voyage et dans quel esprit ?
La priorité, dans l’immédiat, c’est le soutien aux professionnels du tourisme. Ensuite, explique une spécialiste de marketing territorial « nous avons appris des attentats, notamment à Paris, qu’il faut être prudents en cas de fortes crises et ne pas repartir trop tôt.
D’abord étudier l’état d’esprit des voyageurs, surveiller ce qu’il se dit sur les réseaux sociaux, observer les différents marchés. Et il apparaît que « plus on est éloignés des lieux suscitant de l’inquiétude, plus le degré de crainte est élevé ».
Donc, dans la situation actuelle, la relance passerait d’abord par les marchés français et européen et pas avant six mois, voire un an pour les marchés les plus lointains. En tout cas « il faut éviter d’être à contre-courant ».
Et puis il faut apporter des preuves de réassurance. Si un grand événement de politique internationale ou un grand événement sportif peuvent être organisés et se déroulent bien, si aucune propagation virale, aucun problème majeur ne se sont déclenchés à leur suite, ce sera perçu comme une preuve de sécurité.
Pour une véritable reprise il faut parler au cerveau d’abord et au cœur ensuite.
Dans le contexte du Covid-19, la première des communications devra être « corporate ». Il s’agira de pouvoir témoigner de la limitation du virus, d’une baisse significative du nombre de cas. En un deuxième temps, ce qui convaincra ce sera tout ce qui tourne autour des labels, des procédures de sécurisation claire, efficaces et crédibles.
Les campagnes de promotion ne pourront intervenir que bien après. Par contre il faut éviter de couper le lien avec son public. La communication digitale, notamment les réseaux sociaux, permettent de maintenir le lien avec sa communauté.
Quand la ville de Paris a lancé sur Instagram l’opération « Paris from my window » le succès a été immédiat et même repris par d’autres villes. En tout cas, il faut savoir créer de l’empathie, de la compassion, transmettre du savoir.
L’exemple de l’ADT Béarn/Pays Basque offrant des bons de séjour aux personnels soignants pour qu’après le combat ils puissent bénéficier d’un repos bien mérité a positivement attiré l’attention sur cette région et d’autres lui ont emboîté le pas.
Une « nouvelle » pépite : La France
Après une période de sidération, on sent déjà que la France lance des idées et qu’une brise d’optimisme gagne nos régions. En témoignent les tout derniers communiqués de presse..
A titre d’exemples : l’agence Links Communication propose une immersion dans le monde animal de nos montagnes au milieu des chèvres, des lamas et même… un safari abeilles.
De son côté, l’agence Pascale Venot met en avant, pour la marque Huttopia, la redécouverte de la France et l’accès à ce qui se dessine comme « notre rêve d’aujourd’hui : les joies simples des vacances », sous la devise « Nature, Espace, Liberté ».
Pour ce qui est d’une reprise « classique », avec des panneaux publicitaires, des mailings, des messages, selon les spécialistes interrogés, c’est une affaire de plusieurs mois.
On sait bien que les gens ne voyageront pas au bout du monde dès demain matin. La communication se fera d’abord sur des périmètres plus restreints.
Mais à travers ce que nous vivons, la version classique passera peut-être au rang du vintage. Un responsable de publicité estime que de toute façon la publicité traditionnelle a de moins en moins de sens. « Trop intrusive » dit-il : il faut aller vers des dispositifs bien plus variés, mieux communiquer sur les nouvelles attentes, susciter l’intérêt pour des destinations ou des quartiers atypiques et prendre en compte l’avis des habitants. Parce que rien ne dit que les habitants des régions dites vertes voudront vouloir faire venir du monde chez eux ! Et de tout façon il faudra focaliser davantage sur les objectifs de valeur que de volume, ce qui –affirme-t-il- était déjà dans les tuyaux ».
Nous connaissons jusqu’ici une demande liée surtout à l’offre. Intégrer plus fortement la demande risque, ces prochaines années, de prendre du poids.
Renouveler la parole si l’on veut renouer les liens
Ça va être l’autre casse-tête. En un premier temps convaincre les annonceurs de revenir animer les écrans et les antennes et remplir les pages des journaux.
L’Union des Conseils en Communication du Grand Est (UCC Grand Est) fait preuve d’une belle imagination
Pour convaincre ils publient des visuels de livres iconiques pour interpeller les annonceurs : « A la recherche du temps perdu », « L’être ou le néant », « Cent ans de solitude ». En forme de point d’interrogation c’est une façon de dire : à vous de choisir ! Assurément, il faudra aussi trouver d’autres leviers et un autre vocabulaire post-confinement pour convaincre les futurs voyageurs.
La fondatrice de l’agence Namibie, Sophie Gay (source Influencia du 4 mai 2020) fait une approche du vocabulaire nécessaire de l’après Covid-19. Une sorte de nouvelle et prochaine « normalité » du discours. De l’inédit et du « frugal » pense-t-elle. Et de la décence.
En gros, les mots, les slogans, les communiqués devront, certes toujours faire appel à la créativité mais sonner juste, utile et sensible.
L’auto-satisfecit, celui qui vous proclame promis, juré- qu’on est les meilleurs, les plus vertueux, les plus « friendly » etc risquent fort de ne plus faire florès et même d’agacer.
la quotidienne du 13 mai