La personnalisation pour gagner la confiance et la fidélité des clients
Interview d’A. Jorre, directeur marketing et communication d’Amadeus France
« 80% des entreprises ne savent pas utiliser la data, 16% le font mal et seulement 4% parviennent à être performantes dans leur maîtrise », selon une étude publiée par notre confrère, Les Echos. Le fameux Big Data semble ne pas être « fameux » pour tout le monde ! Et pourtant, de la capacité à exploiter la donnée dépendra les réussites de demain.
Aller à la rencontre des clients
Et elle ajoute : « les clients ne nous demandent pas de les faire voyager, mais de les faire voyager comme ils aiment » .
Même son de cloche de la part d’Ingrid Peiniau, responsable programme expérience client de Voyages-Sncf : « tout notre travail consiste à savoir exporter notre contenu dans l’écosystème de nos clients de façon à ne pas attendre qu’ils viennent vers nous, mais d’anticiper leurs attentes. C’est à nous d’aller à leur rencontre. Nous devons être proactifs. »
Fréderic Maus, le patron de la marketplace de la Redoute, ne dit pas autre chose : « nous gardons une inspiration globale afin de garantir une cohérence de l’ensemble, mais nous nous attachons à personnaliser nos messages sur tous nos canaux. »
La personnalisation, c’est le maître mot de toutes les stratégies, digitales et autres, pour gagner la confiance et la fidélité des clients.
Tout devient possible
Hier, les solutions de ciblage « one & one » étaient totalement inimaginables à un niveau industriel. Mais aujourd’hui, avec les évolutions technologiques, tout devient possible.
Vos clients ne doivent plus représenter des cibles anonymes, mais bien des profils identifiés envers lesquels il s’agit d’engager une relation individualisée.
D’où l’explosion en 2016 des DMP, Data Management Plateform, comme l’explique Hervé Malinge, le PDG de la société Makazi, un des leaders de la discipline.
« D’un côté, vous avez les informations que vous procure votre CRM et qui reposent sur votre historique client et de l’autre côté vous avez, en aveugle, des données comportementales que le web vous renseigne. Ce sont 2 mondes complètement différents.
Notre travail consiste à reconnaître, dans les données connues de votre base clients, celles anonymes issues du web, afin de les matcher pour mieux personnaliser vos messages ».
Révolutionnaire ! La DMP devient l’arme de la personnalisation et du prédictif.
Personnalisation
Amadeus, leader lui aussi dans son domaine, s’est engagé résolument en direction de la personnalisation.
Vision 360
L’avènement du web 2.0, qui donne des droits nouveaux aux consommateurs, a changé la donne aujourd’hui.
Que TripAdvisor devienne un des premiers sites du monde en est la preuve.
On parle maintenant d’expérience client. La réussite de votre engagement sur le digital dépendra de votre capacité à communiquer avec lui comme s’il était unique.
Interview
Alexandre Jorre : C’est plus qu’une tendance. Amadeus s’y inscrit à tous les stades de ses process. C’est le cas dès les premiers stades de la relation client avec la compréhension des attentes des voyageurs. Ensuite, tout ce qui touche à l’agrégation de la donnée devient stratégique pour mieux personnaliser les ventes.
i-tourisme : Commençons pas les attentes des clients, quelles sont-elles aujourd’hui ?
Alexandre Jorre : Nous les avons étudiées par le biais de notre étude ‘’Future Traveller Tribes 2030’’.
Les 6 typologies de consommateurs qui ont été définies nous renseignent sur les attentes des voyageurs de demain. Cette connaissance apporte au marché une foule d’informations pour savoir comment et mieux cibler ses clients tout en sensibilisant les acteurs du tourisme à préparer l’avenir.
i-tourisme : Ce n’est pas une étude sur les solutions Amadeus ?
Alexandre Jorre : Non, c’est une étude consommateur qui débouche sur des recommandations métiers. L’objectif est d’examiner comment les voyageurs sont susceptibles d’interagir avec les segments de voyage pour les vols, les prestataires hôteliers, aéroport, la voiture, la croisière et le ferroviaire.
Nous avons extrapolé pour savoir quelles vont être les incidences pour les agents de voyages et les voyagistes.
« Google, n’a pas la profondeur d’information pour rivaliser avec notre envergure »
Alexandre Jorre : Je pense surtout aux méga-méta-agences en ligne qui fonctionnent comme des comparateurs.
Elles disposent de gros budgets et investissent largement dans la techno. C’est la conséquence des regroupements auxquels on assiste depuis ces dernières années. Il appartient à chaque acteur de s’approprier la technologie nécessaire afin d’avoir les moyens de personnaliser ses offres et faire la différence avec ces géants.
i-tourisme : Quels sont vos conseils ?
Alexandre Jorre : La problématique est la même pour tous : savoir où mettre le curseur ? Trop de personnalisation et vous êtes invasif. Trop peu et vous êtes dans la banalisation. Il faut commencer par les filtres naturels : loisir ou affaires et ensuite se concentrer sur le service en définissant le périmètre.
i-tourisme : Donc définir ce qu’on doit personnaliser ?
Alexandre Jorre : Oui, car à chaque étape de voyage correspond un contenu spécifique qui doit être traité différemment. Il s’agit de trouver les bons leviers pour les compagnies aériennes, les services à destination, la location de voiture, de VTC, de transfert, de réservation d’hôtel, de service à l’aéroport, etc.
i-tourisme : Comment faire ?
Alexandre Jorre : Cela résulte d’une capacité à agréger du contenu. C’est le métier d’Amadeus. Ne serait-ce que pour l’aérien, nous gérons plus de 700 compagnies. C’est une capacité unique dans le domaine du voyage. Même Google n’a pas la profondeur d’information pour rivaliser avec notre envergure.
i-tourisme : Ni même NDC ?
Alexandre Jorre : Il ne faut pas confondre. NDC est une norme qui permet aux GDS d’aller sourcer l’information auprès des compagnies aériennes. Amadeus y participe et a largement investi dans ce domaine.
La business intelligence
Alexandre Jorre : C’est un ensemble. Il faut définir le périmètre et distinguer les segments : ceux des fournisseurs et ceux des consommateurs.
Côté fournisseurs, il faut insister sur la prolifération des contenus que nous agrégeons. Nous les enrichissons tous les jours avec les low cost, les services ancillaires, fare families…
i-tourisme : Fare families ?
Alexandre Jorre : C’est ce qui permet aux compagnies aériennes de différencier leurs offres en fonction des tarifs et des services proposés à la réservation, aussi bien par le canal direct qu’indirect.
Amadeus agrège l’ensemble de ces données qu’il consolide avec tous les autres fournisseurs : voiture, transfert, hôtel, etc. Cela représente toute une chaîne qui, justement, a le mérite de permettre de personnaliser les offres.
i-tourisme : Avec quel temps de réponse ?
Alexandre Jorre : C’est en fonction de la profondeur des recommandations, mais en général, cela ne dépasse pas les millisecondes.
i-tourisme : C’est gérable, mais quelles sont les limites, car plus vous enrichissez les offres, pour les personnaliser j’entends, plus vous allez dépasser les temps de réponse acceptables ?
Alexandre Jorre : Tout est une question de fluidité. Votre productivité sera optimisée grâce à la pertinence de l’outil qui sera apte à pousser la bonne information, au bon moment et avec la bonne marge. C’est de la business intelligence.
i-tourisme : Vous avez un exemple à nous donner ?
Alexandre Jorre : Ils sont multiples et à choisir dans le portefeuille de solutions proposées. Mais plus communément, l’agence dispose de filtre pour qualifier sa demande en fonction de la situation de son client : famille, célibataire, explorateur, etc.
Elle peut aussi sélectionner les destinations les plus demandées pour la période déterminée.
L’agence dispose d’une palette de solutions. Il suffit de paramétrer la plateforme au départ et l’outil va aller chercher l’offre qui correspond. Le bénéfice est direct : si l’offre est correctement personnalisée, le voyageur se reconnait et vous augmentez vos taux de conversion.
Le meilleur moyen de fidéliser ses clients tout en améliorant ses marges
Alexandre Jorre : Comme je viens de le dire, en configurant votre recherche par profil de voyageur et ensuite c’est à notre technologie Master Pricer qui va chercher la meilleure alternative.
i-tourisme : A savoir ?
Alexandre Jorre : C’est une solution qui vous permet d’accéder aux meilleures offres, en temps réel, avec une seule et même transaction.
L’agence accède à une grande variété de critères de recherche et d’options, qui lui donne la possibilité de personnaliser les recommandations de réservation de voyages en fonction des besoins de ses clients.
La solution lui offre une visibilité optimale pour découvrir, d’un seul coup d’œil, l’ensemble des recommandations, regroupées par tarifs et offrant les mêmes caractéristiques. Le tout en fonction des gammes tarifaires offertes par les compagnies : famille basic, basic+, eco premium, etc.
L’agence évite ainsi la recherche fastidieuse qui consiste à interroger plusieurs transporteurs et vérifier si les services sont inclus ou non dans les tarifs. Il en est de même pour les services ancillaires.
i-tourisme : Pour faire des ventes additionnelles ?
Alexandre Jorre : Oui, pour les agences, ce sont des nouveaux critères de recherches : des suppléments bagages, des sièges, des repas, des pass VIP, etc. Cela représente désormais une source de revenus très appréciable et totalement personnalisable.
i-tourisme : A vous entendre, la personnalisation des offres semble transversale à tous les stades de la réservation ?
Alexandre Jorre : C’est exact, les agences peuvent personnaliser leurs ventes à tout moment. Cela représente pour elles le meilleur moyen de fidéliser ses clients tout en améliorant ses marges. J’illustre mon propos : l’agent, pendant la réservation, peut se mettre en mode proactif.
Il observe que son client va à tel endroit. Rien de plus facile pour lui que de proposer tant un hôtel, qu’une voiture, qu’un transfert adapté. Il pratique du cross sell pour faire de l’up sell, le tout avec une fenêtre pour vérifier ses marges.
i-tourisme : Le « pendant la réservation » devient une étape à ne pas négliger !
Alexandre Jorre : Bien entendu. Depuis qu’Amadeus intègre un comparateur d’offres des principales sources, le métier s’est enrichi considérablement. C’est la même chose pour l’après-voyage.
Nos applications mobiles : Mpower ou Mobile Traveller permettent de garder le lien avec le voyageur afin de proposer de nouvelle offres en mode push. Les agences peuvent monétiser la consommation de services additionnels.
i-tourisme : Les agences sont-elles formées à toutes ces nouvelles solutions ?
Alexandre Jorre : Pas assez. Nous devons les accompagner, les aider : apprendre à télécharger les applications, automatiser les emails de push, etc. Nous sommes conscients de cette responsabilité.
A nous de ne pas se contenter de fournir la solution. Le mode d’emploi est aussi important que la technologie elle-même.