L’agrotourisme des mers
Un pêcheur professionnel qui reçoit sur son navire des touristes leur fait vivre une expérience unique et authentique tout en diversifiant ses activités et ses sources de revenus.
L’agrotourisme au Québec est en pleine croissance. L’engouement envers ce secteur a un fort potentiel d’exploitation et devient un produit d’appel pour plusieurs régions. Il permet aux agriculteurs de diversifier leur revenu, de contribuer au développement territorial, de répondre à une attente des visiteurs ; soit les rapprocher du producteur.
Est-il possible d’exporter le concept sur l’eau et de diversifier ce faisant les activités reliant la pêche et le tourisme ?
Le pescatourisme : l’agrotourisme de la mer
Développé depuis quelques années à l’échelle mondiale, le pescatourisme est une forme de tourisme qui unit la découverte de la mer, le métier de la pêche et le savoir-faire des pêcheurs.
Cette activité donne la possibilité à des pêcheurs professionnels d’accueillir à bord de leur embarcation un certain nombre de personnes (outre les membres de l’équipage) auxquelles ils expliquent leur activité quotidienne. La participation des visiteurs peut varier d’un pays à l’autre selon la règlementation en vigueur et les exigences des assureurs. Dans la majorité des cas, le touriste agit en tant que spectateur. L’objectif du pêcheur est de partager ses connaissances sur le milieu marin, son métier, ses produits afin de valoriser sa production.
Le pescatourisme permet de créer un lien de proximité entre le pêcheur et le touriste qui est souvent peu au fait des réalités de la profession. Cela est d’autant plus important pour la valorisation du métier et de l’image des pêcheurs auprès de l’opinion publique, à une époque qui accorde une grande importance à la protection des ressources et du milieu marin.
Ohé du bateau !
En France
Dans le secteur de la ville côtière de Guilvinec, Tourisme Bretagne a développé un projet de pescatourisme pour faire vivre une expérience typiquement bretonne. Les visiteurs peuvent réserver en ligne et devenir pêcheurs d’un jour en accompagnant des professionnels dans leur routine quotidienne (voir la vidéo).
Source : YouTube
Toujours à Guilnivec, certains pêcheurs se sont associés à Haliotika — La Cité de la pêche. Ce centre offre une panoplie d’activités liées au monde marin. En plus de pouvoir assister à des cours de cuisine et visiter des criées (lieux de vente aux enchères des poissons), le touriste peut réserver en ligne sa visite sur un chalutier. Les intéressés quittent le port entre 2 h et 5 h du matin, selon la température, et passent la journée à échanger avec l’équipage.
Le pescatourisme est aussi présent dans la région du bassin d’Arcachon près de Bordeaux. Environ 10 pêcheurs et 18 ostréiculteurs professionnels proposent d’embarquer des visiteurs. Selon eux, cet accès privilégié permet une meilleure compréhension de la valeur du produit et du travail. De plus, les visiteurs réalisent que le bassin d’Arcachon est bien plus qu’un site touristique.
Source : YouTube
Le secteur de la Méditerranée n’est pas en reste en ce qui a trait à cette activité jumelant la pêche et le tourisme. Les organisations professionnelles, avec l’appui des populations locales dans les régions des Bouches-du-Rhône et du Var (entre Marseille et Cannes), ont mis en place une action collective de pescatourisme. Plus de dix ports offrent des sorties en mer de trois à six heures pour découvrir les différentes espèces de poissons et les techniques de pêche. Dans l’Hérault (près de Montpellier), 28 pêcheurs proposent des activités pescatouristiques.
Conscients du potentiel de cette activité touristique, plusieurs pêcheurs de la Corse sont regroupés sous le projet « Pescaturisimu ». Développé par le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, il est financé par les Fonds européens pour la Pêche avec l’Office de l’Environnement de la Corse. L’Agence du Tourisme de la Corse est aussi l’un des partenaires du projet. Pour connaître la démarche et les motivations des pêcheurs en Corse pour le pescatourisme, un petit documentaire a été produit par le regroupement.
Au Québec
Peu connu sous le terme pescatourisme, ce type d’activité s’implante quelque peu au Québec. Par exemple, l’entreprise Les cultures du large, aux Îles-de-la-Madeleine, propose aux touristes de suivre des mariculteurs pour connaître le processus d’élevage des moules et des huîtres. En Gaspésie, l’entreprise En mer avec les pêcheurs côtiers pratique la pêche commerciale de certaines espèces, notamment le homard et le crabe. D’avril à septembre, les lève-tôt (le départ se fait à 4 h du matin) peuvent suivre l’équipage dans ses tâches quotidiennes. Il est aussi possible pour les clients de passer la nuit chez l’un des capitaines pour vivre une expérience complète de la vie d’un pêcheur. Des visites d’un atelier de fabrication de bijoux confectionnés à partir des produits de la mer sont également proposées.
Les bénéfices
Marie Lesueur, de l’équipe de la Cellule d’Études et Transfert du Pôle halieutique en France, explique que le développement de la synergie entre la pêche et le tourisme entraîne des bénéfices à trois niveaux.
- Pour un territoire, il s’agit de promouvoir le secteur par ses produits et ses activités, d’augmenter son attractivité, de maintenir sa vitalité économique et de créer de nouveaux partenariats.
- Pour la pêche, cette synergie favorise l’obtention de revenus complémentaires, la création de marchés et l’élargissement de la clientèle pour mieux valoriser la ressource.
- Pour le tourisme, elle permet de renouveler ses activités, de diversifier l’offre et de répondre à de nouvelles demandes.
Tout comme dans les pays européens, les pêcheurs côtiers canadiens sont soumis à une règlementation stricte pour le transport et la sécurité des passagers. Toutefois, cet « agrotourisme des mers » est une façon originale de participer à la pêche côtière tout en valorisant la ressource et le métier du pêcheur.
veilletourisme.ca du 27/03/18
Etude réalisée par Julie Payeur