Le surtourisme : amplification médiatique, mais enjeux réels
Au-delà de ses paradoxes et du traitement médiatique dont il fait l’objet, le surtourisme est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Plusieurs solutions existent afin d’atténuer la pression des voyageurs sur un milieu.
La Chaire de tourisme Transat, en collaboration avec Tourisme Montréal, a dévoilé, le 21 janvier, les sept tendances qui rythmeront l’activité touristique dans les prochaines années. Les conférenciers Paul Arseneault et Pierre Bellerose ont partagé le fruit de leur réflexion afin d’aider les entreprises à amorcer la nouvelle décennie.
Certains problèmes associés à une trop forte concentration de visiteurs dans un espace et un temps précis font la une des médias. Les prévisions en hausse du tourisme international, en plus des budgets imposants en marketing des organisations de gestion de la destination (OGD), laissent envisager d’autres situations conflictuelles.
Le terme surtourisme (overtourism) — apparu dans les médias en 2015 — est souvent utilisé de manière alarmiste et associé à des phénomènes négatifs, mais est-il possible de reprocher aux touristes d’être présents si une destination les invite?
Comment expliquer le phénomène?
Le surtourisme s’applique sur un territoire lorsque les flux touristiques excèdent la capacité de charge sociophysique d’un espace dans un contexte précis et que cette situation provoque des réactions chez les populations résidentes.
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Il s’agit d’un phénomène plutôt rare et complexe, aux causes multiples et variant d’une destination à l’autre. Certaines études permettent désormais de mieux comprendre le surtourisme. Voici les principaux facteurs qui l’expliquent :
- La croissance du tourisme et des flux touristiques (massification), souvent directement alimentée par le marketing de la destination;
- La trop forte concentration en certains lieux précis, sans égard à leur capacité de charge, souvent imputable à la sous-gestion des grands flux de visiteurs, pourtant prévisibles;
- Les enjeux de développement et de gouvernance des destinations, associés au manque de planification de l’activité touristique et sous-estimés dans les plans d’urbanisme et les schémas d’aménagement régionaux.
Ces facteurs devraient inciter les OGD à adopter de meilleures pratiques.
Les paradoxes du surtourisme
Le tourisme peut jouer un rôle positif dans la revitalisation de certains milieux. Ainsi, le développement touristique permet des investissements majeurs dans la revitalisation d’artères commerciales désuètes, dans la mise en valeur de bâtiments patrimoniaux ou dans la diffusion de traditions et de savoir-faire locaux. Mais le tourisme peut aussi être perçu comme une menace à la qualité de vie, même là où il constitue l’une des principales activités économiques. Cette perception négative provient souvent de l’observation de nuisances diverses telles que les comportements inappropriés, la pollution, la congestion, etc.
Y a-t-il des solutions?
Différentes mesures de prévention ou de mitigation peuvent être mises en place afin de mieux gérer une affluence problématique.
Miser sur la qualité des expériences offertes plutôt que sur le nombre de visiteurs
Il s’agit d’un enjeu majeur d’après divers dirigeants d’OGD. Pour y parvenir, le profil et les comportements des touristes doivent être pris en compte selon leur contexte d’accueil, afin d’encourager la rencontre harmonieuse et d’éviter la confrontation. Savoir optimiser les retombées pour les résidents tout en accueillant moins de visiteurs, voilà le défi à relever dans les prochaines années.
Mieux comprendre les préoccupations citoyennes et assurer des retombées positives
Cette démarche mise sur l’écoute et une plus grande participation des communautés résidentes. La coopération entre les parties prenantes doit permettre une réflexion approfondie sur les politiques et les pratiques locales à mettre en place afin d’assurer une meilleure distribution des flux touristiques. Ainsi, les impacts négatifs diminueront au profit d’effets positifs.
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Améliorer les pratiques de planification et de gestion locales de l’activité touristique
Les responsables du développement de l’offre, de la mise en marché et de l’accueil doivent travailler davantage en amont avec les professionnels participant à l’aménagement et à la gestion du territoire de la destination : urbanistes, aménagistes, gestionnaires de parcs, responsables des transports, etc.
Diverses stratégies permettent d’intégrer de manière plus harmonieuse les flux touristiques à la dynamique locale, afin de réduire la pression sur les milieux fragiles. En voici quelques-unes :
- Des actions réfléchies en marketing : limiter l’augmentation de la demande dans certains lieux, à des périodes précises, en cessant toute forme de promotion.
- La mise en place de certaines mesures contraignantes : limiter la demande en imposant des tarifications, des règles ou des conditions limitatives.
- L’étalement de la demande : promouvoir les destinations moins connues ou promouvoir seulement en basse saison pour répartir les flux dans le temps et l’espace.
- L’amélioration des infrastructures et des services : fournir des structures, des services à l’accueil de visiteurs afin de réduire l’impact sur la vie quotidienne des résidents.
- L’éducation : informer les voyageurs des coutumes locales et des comportements à adopter, en plus de créer un sentiment de bienveillance qui participe à rassurer les citoyens.
Pour d’autres suggestions et idées inspirantes concernant la gestion des flux touristiques, il est possible de consulter le rapport publié en 2018 par l’Organisation mondiale du tourisme à l’intention des destinations urbaines, comme le mentionne une précédente analyse.
Bien qu’il soit amplifié par une forte couverture médiatique des cas problèmes les plus connus, comme ceux de Barcelone ou de Venise, le phénomène du surtourisme traduit une réelle sensibilité des populations d’accueil lors d’une trop forte concentration de visiteurs.
Les solutions exigent une action proactive et concertée des responsables du tourisme et de la gestion urbaine des destinations, afin que le voyage soit une occasion de rencontres entre résidents et visiteurs, et non pas une fatalité.
veilletourisme.ca du 21/01/20
Etude réalisée par France Lessard