L’intelligence artificielle conversationnelle bouleverse le secteur du tourisme
Dans le cadre de la relation client, en 2017, pas plus de 2% des entreprises recouraient aux chatbots. La faible pénétration de cette technologie s’explique par l’engagement financier qui reste lourd, mais aussi par la complexité encore délicate de son implémentation. Mais la situation change radicalement aujourd’hui pour le plus grand bénéfice des acteurs du tourisme.
La valeur ajoutée de ces agents conversationnels s’impose de plus en plus et à tous les niveaux : plus rapides, plus précis, toujours disponibles. Des plateformes se créent, ce qui tend à faire baisser les prix. Pourtant, la véritable impulsion vient de la demande des entreprises elles-mêmes. À 80%, elles déclarent envisager de confier leurs interactions clients à des chatbot d’ici à 2020.
Un service attendu
56% des consommateurs estiment que les agents conversationnels vont contribuer à simplifier leur vie. Du coup, les prévisions s’envolent : les chatbots représenteront d’ici 2020 40% des interactions mobiles. Les paradigmes évoluent : cette technologie ne s’appréhende plus en termes de dépense, mais par rapport à ce qu’elle rapporte. En 2022 les projections laissent envisager plus de 8 milliards d’économies sans compter l’amélioration notoire des taux de conversion.
Un marché porteur
Le changement le plus spectaculaire portera sur la dégringolade des applications. D’ici 4 à 5 ans, 80% d’entre elles vont disparaître au profit des messageries instantanées. Déjà ces dernières représentent 4 applications téléchargées sur 5. Il est manifeste que cette année 2018 marque l’entrée dans l’ère des bots. Avec une croissance de 37% par an, ce marché décolle. Il va atteindre 994,4 millions de dollars en 2024.
Interview de Guillaume Laporte, Co-founder de Destygo
L’Entreprise Connectée : Vous avez lancé Destygo dans le but d’aider les entreprises du tourisme à améliorer les expériences clients grâce à des chatbots ou des voicebots. Pourquoi ce lancement ? Il n’y avait pas déjà des fournisseurs dans ce domaine ?
Guillaume Laporte : Pas vraiment. Notre domaine nécessite le recours à des technologies de pointe qui se révèlent très difficiles à maîtriser. Une SSII par son approche généraliste n’est pas adaptée pour descendre dans des développements ultra spécialisés sur un produit comme le nôtre. D’ailleurs si nous nous sommes lancés, c’est bien pour prendre une place qui n’existait pas.
L’Entreprise Connectée : Justement, d’où vient cette idée ?
Guillaume Laporte : Lors d’un passage dans la Sillicon Valley, Marc Zuckerberg a livré sa vision en avril 2016 sur la transformation des modèles avec l’impressionnante ouverture de Facebook Messenger aux Chatbots. Quelles allaient être les conséquences pour les entreprises ? Sur quelles solutions pourraient-elles s’appuyer ? Le niveau d’expertise exigé allait laisser sur la route bon nombre d’entre elles. Il devenait opportun de créer une plateforme apte à modéliser des schémas reproductibles pour répondre aux nombreux cas de figure qui se présentaient sur le marché. Notre idée est venue de là.
L’Entreprise Connectée : Et ?
Guillaume Laporte : Nous nous sommes lancés à trois en septembre 2016 et aujourd’hui nous sommes 35.
L’Entreprise Connectée : Une belle réussite. Elle est arrivée immédiatement ?
Guillaume Laporte : Oui, car en gagnant l’appel d’offres de Vinci à l’Aéroport de Lyon en 2016, nous avons pu démontrer la pertinence de notre technologie. Le cahier des charges imposait d’implémenter un bot en 6 semaines afin d’assister les clients dans leur réservation de place de parking. Non seulement les délais furent respectés, mais après trois mois d’usage nous étions déjà à +30% de résultat ce qui correspondait à la fourchette haute attendue. Ensuite, comme notre technologie est évolutive, avec quelques mois supplémentaires, nous dépassions les 70% de réponses répondues.
L’Entreprise Connectée : À vous entendre, vous lancer une technologie qui par la suite s’affine au fur et à mesure à la manière d’un moteur apprenant ?
Guillaume Laporte : Un bot, c’est comme un enfant. Il s’agit de l’éduquer, lui apprendre à évoluer. Notre technologie travaille de façon évolutive et se re-déploie en permanence. D’où la nécessité d’accompagner les clients sur la durée. La force de notre entreprise repose sur ce service qui consiste à améliorer les rendements au fur à mesure des questions et des réponses. Nous ne livrons pas un colis au départ sans s’en occuper par la suite. C’est un modèle de partenariat technologique et commercial qui s’enrichit sur le long terme.
L’Entreprise Connectée : Votre technologie s’appuie sur la plateforme que vous avez créée. Quels en sont les bénéfices utilisateurs pour vos clients ?
Guillaume Laporte : J’en vois trois principaux. D’abord le plus visible : celui des prix. Une plateforme en SAAS permet de rationaliser les coûts. Les clients n’ont pas à payer seuls les développements sur la plateforme, mais juste une adaptation à leur situation pour développer leur agent conversationnel. Résultat : les investissements pour eux sont bien moindres. L’autre avantage concerne le pilotage. Notre technologie s’adresse à des porteurs de projet, quel que soit leur niveau. Il n’est aucunement nécessaire d’être un technicien, un ingénieur, un data scientiste pour lire ou comprendre l’ensemble des informations que nous administrons dans l’agent conversationnel. Les tableaux de business intelligence sont compréhensibles et l’administration de la solution reste parfaitement accessible et à la portée de tous.
L’Entreprise Connectée : Et le dernier avantage ?
Guillaume Laporte : La réactivité. Nous ne devons plus repasser par la case départ. La plateforme est déjà constituée ce qui nous permet de monter un projet en un temps record. Mais, comprenez bien que tout n’est pas figé. La technologie s’enrichit tous les jours. L’innovation apportée par une fonctionnalité nouvelle fait évoluer l’ensemble de la plateforme. Pour vous donner une idée de notre organisation, un de nos business unit ne fait que travailler sur des modèles d’intelligence artificielle qui n’existent pas aujourd’hui. Nous anticipons déjà le futur, notamment en développant des modèles d’apprentissage par renforcement : technique de machine learning à la pointe de l’état de l’art.
L’Entreprise Connectée : A quelle échéance ? Dans les 10 prochaines années ?
Guillaume Laporte : Non, dans moins de 2 ans. Dans nos métiers tout avance très vite.
L’Entreprise Connectée : Vous pouvez donner un exemple d’innovation visible par vos clients?
Guillaume Laporte : L’innovation se doit d’être visible, car elle emporte avec elle de la valeur ajoutée pour le confort des utilisateurs. C’est le cas, par exemple, de l’assistant que nous avons lancé sur Facebook Messenger pour la RATP. Les usagers peuvent par le texte/chat ou par la voix demander quel est le meilleur itinéraire pour aller d’un point à un autre. Il obtient un retour en quelques secondes, car nous sommes directement reliés au système d’information de la RATP. Dans la réponse il y a les horaires et toutes difficultés particulières sont signalées. C’est un véritable assistant de mobilité pour les voyageurs. La valeur ajoutée par rapport à d’autres solutions de transport est évidente. Pas de téléchargement, des recherches multi-critères fiables et un dialogue en continu avec des systèmes d’alerte sur les perturbations de façon contextualisée. Il y a déjà aujourd’hui plusieurs de milliers d’utilisateurs et la croissance est avérée.
L’Entreprise Connectée : Revenons à votre plateforme. Elle vous permet de lancer des bots sur tous les canaux ?
Guillaume Laporte : Nous sommes multi support, multi canaux et multi langage.
L’Entreprise Connectée : Dans la pratique, comment procédez-vous avec vos clients. Vous travaillez en mode agile ?
Guillaume Laporte : Oui et dans la continuité. Nous commençons par une fonctionnalité clé. Nous la lançons. Nous étudions les résultats afin d’apporter des améliorations au fur et à mesure. Ensuite nous étendons son application au CRM, au site internet, aux applications, aux enceintes connectées, aux canaux de messageries instantanées, chat, etc.
L’Entreprise Connectée : Vous diversifiez le périmètre sur l’ensemble de canaux
Guillaume Laporte : C’est le but. Nos clients sont à la recherche de rendement et de productivité ‘’in fine’’. Nos solutions doivent répondre prioritairement à cet objectif. Un agent conversationnel apporte du confort aux utilisateurs et aide nos clients à économiser de la ressource humaine et à mieux l’orienter. Si l’usage le permet, grâce au commerce conversationnel, nous sommes même en mesure d’améliorer le taux de conversion.
L’Entreprise Connectée : Dernière question. La voix va se développer fortement. Quelle est votre analyse ?
Guillaume Laporte : Nous travaillons avec des canaux comme Alexa, Google Home et d’autres systèmes d’enceintes vocales. Vous avez raison de dire que les développements attendus sont prometteurs, mais pour l’instant le texte reste majoritairement utilisé pour les questions comme pour les réponses. C’est plus discret et techniquement c’est plus fluide. La vraie révolution réside dans un subtil mix des deux. L’utilisateur choisit s’il souhaite saisir sa question par le texte/chat ou par la voix et le rendu peut être vocal ou visuel textes ou images.
quotidiendutourisme.com du 17/12/18