L’internet de séjour devient une réalité
Des dispositifs mobiles pour accueillir et guider les visiteurs
” Le mobile est devenu la télécommande de nos vies quotidiennes ” : La punchline a fait florès. Ce n’est pas un scoop, les connexions à internet via mobile ont dépassé celles depuis un ordinateur en octobre 2016. Mais les destinations et les professionnels du tourisme ont-ils vraiment pris conscience de ce bouleversement ?
Nous le savons le mobile est devenu le compagnon de voyage, la boussole, le guide et même l’office de tourisme du voyageur.
La fin du roaming, le développement du wifi dans les espaces accueillants du publics et les espaces publics, le déploiement de la 4G, en attendant la 5G, autant d’éléments qui font du mobile le compagnon indispensable du voyageur.
Les destinations et les professionnels du tourisme ont-ils saisi l’ampleur de cette (r)évolution ? Mesurent-ils l’impact sur leur cœur de métier ?
Tout le monde a entendu qu’il fallait des sites « responsives » (qui s’adaptent au format du mobile), la plupart savent que désormais il faut penser « mobile first » : penser son dispositif web d’abord en fonction du mobile et dans un deuxième temps à son adaptation aux écrans les plus grands. Mais qui adapte vraiment ses dispositifs numériques et ses contenus à l’usage désormais mobile ?
Google dans la poche des visiteurs
Les offices du tourisme, les destinations dans leur ensemble, sont totalement concernés : Google est devenu l’office de tourisme qui a réponse à tout, toujours disponible et présent en permanence dans la poche du visiteur.
Bien sûr les destinations, les sites de loisirs, les musées ont tous (ou presque) développés leurs applications : ils ont alors découvert la jungle coûteuse des Appstores et ont déchanté devant la faiblesse des chiffres du téléchargement et de l’utilisation de leurs applications.
Les acteurs du etourisme ont bien compris ce nouvel usage et son enjeu : tous, de Expedia à Accor en passant Oui.Sncf proposent et travaillent à des outils de compagnons de voyage, de conciergerie, d’assistant, etc.
Bref des outils pour accompagner le voyageur tout au long de son parcours digital et de son séjour physique via son mobile.
Les organismes de destinations sont donc confrontés à cette problématique : comment adapter leur mission traditionnelle aux nouveaux usages des voyageurs qui vivent leur séjour avec leur mobile ?
Capter, orienter, conseiller le visiteur sur sa destination dèss.ti.na.scion – féminin
Initialement conçu pour désigner l’usage final et réel d’un objet, le mot destination est devenu par polysémie le lieu ou l’ensemble des lieux vers lequel un usager(…)
« >destination avec des panneaux de signalisation de l’OT et son bel espace d’accueil, avec son beau site inspirationnel « full responsive » avec la grande vidéo immersive n’est plus suffisant.
Alors, certaines destinations se sont penchées sur cette problématiques et ont lancé des dispositifs particulièrement innovants. On évoquera ici deux destinations à deux échelles différentes qui ont lancé à quelques mois d’intervalles des dispositifs dits d’internet de séjour.
L’initiative est venus des « Agitateurs de destinations numériques » des consultants bien connus de ce blog qui ont décidé de ne plus seulement délivrer de bons conseils mais aussi de se jeter dans le grand bain de l’action : et ils proposent désormais une solution d’internet de séjour bien prometteuse. Je vous conseille d’ailleurs de jeter un œil à leur excellent livre blanc de l’internet de séjour : https://www.agitateurs.com/.
L’internet de séjour est un dispositif internet entièrement dédié aux visiteurs en situation de séjour, c’est-à-dire déjà sur place. C’est donc une brique supplémentaire au site principal de la destination qui, en général, est destiné à faire connaître la destination, à en donner envie. Et bien entendu c’est un dispositif totalement pensé pour un usage mobile : site mobile first et progressive web application (application web qui ne nécessite pas de téléchargement).
Parmi les premiers internet de séjour on trouve, Océanesque en Médoc Atlantique (https://www.medoc-atlantique.com/) et son surprenant bouton dès la home page de de son site qui invite l’internaute à dire s’il est « déjà sur place » ou « encore chez lui »
Plus récemment j’ai eu l’occasion, lors de missions normandes, de découvrir et tester l’internet de Séjour lancé par la Région Normandie et son CRT les « secrets normands » ou encore la Métropole de Saint-Etienne qui vient de lancer « Stéphanois hors-cadre ».
Dans ces deux derniers cas, les fonctionnalités du site sont entièrement dédiées au concept du « bon message, au bon moment à la bonne personne » : profilage, géolocalisation, météo-sensibilité, conciergerie, parcours, etc. Mais c’est surtout la qualité des contenus et leurs conditions de production qui étonnent.
Secrets Normands
L’été dernier la région Normandie et son CRT ont lancé un drôle de dispositif appelé « Secrets normands », premier véritable internet de séjour à une telle échelle.
La gageure de ce projet était de mettre en place un dispositif où la technologie, performante et adaptée aux usages des visiteurs, est au service d’un positionnement pau.zi.sionne.ment – masculin
Fruit d’une stratégie de territoire, généralement collective, qui consiste à vouloir attirer dans la destination tous types de clientèles, solos, couples, familles,(…)
« >positionnement affirmé et créateur de valeur pour le territoire : via le mobile, on va chuchoter des secrets normands aux oreilles des visiteurs et ainsi les guider et les accompagner selon leur position, leur profil, leurs envies et même selon la météo (vous noterez l’absence totale d’allusion à la météo normande).
Le point fort du projet est bien là : répondre aux véritables besoins des visiteurs en mobilité tout en revalorisant (trouvant un nouveau débouché même) le travail des « experts du territoire ». La création du contenu est donc passé par une véritable “récolte” des secrets mobilisant et dynamisant l’ensemble des “chuchoteurs de secrets”
Récolter des secrets
Ces secrets ont été récoltés, dans un premier temps, par le biais de séances créatives réunissant les conseillers des offices et c’est désormais tout l’éco-système normand : CRT, CDT, OT, professionnels bref les « experts du territoire » qui produisent ces pépites. Et il semblerait que les habitants eux-mêmes puissent bientôt déposer des secrets en ligne.
Pour mettre en valeur ces secrets on a un design simple, une navigation fluide et efficace :
Et les fameux secrets vous sont chuchotés en fonction de votre localisation, de vos envies, de la distance, de votre moyen de transport, de la météo :
Lancé pour l’été 2018, avec un dispositif de communication in situ, de façon à ne pas cannibaliser les sites classiques du CRT qui renvoient vers les secrets normands, les premiers résultats ont été encourageants mais c’est surtout avec la saison 2019 qu’on pourra juger si le public s’approprie cette belle innovation. Et le CRT annonce une grande campagne de communication pour faire connaitre des visiteurs de cet été les « secrets normands ».
Du côté de Saint-Etienne
Du côté de Saint-Etienne, la biennale du Design 2019 a donné l’occasion à l’Office de Tourisme de l’agglomération de lancer tout un dispositif web : avec un site internet (https://www.saint-etienne-hors-cadre.fr/) et un internet de séjour (www.stephanois-hors-cadre.fr)
Accompagnant ce nouveau site la Web-App (une appli sans téléchargement) www.stephanois-hors-cadre.fr se présente comme le compagnon de poche des visiteurs donnant accès secrets des habitants, aux bons plans et bons moments de Saint-Etienne.
Les secrets et contenus sont accessibles sans inscription mais cette dernière permet d’accèder à des suggestions personnalisées.
Après une inscription ultra rapide (via Facebook ou adresse mail), nous sommes invités à définir notre profil de façon, là encore, simple et efficace selon 3 critières :
Comme pour la Normandie, on a alors accès aux secrets locaux avec ici deux fonctionnalités qui font mouche : des propositions de parcours :
Apporter l’information au visiteur..là où il se trouve … avec les outils et canaux qu’il utilise
Et c’est surtout la volonté de répondre au visiteur par tous les moyens, d’instaurer un dialogue avec lui qui apparait : conciergerie, chat en ligne, whatsapp, sms, messenger, emails et téléphone tout est fait pour accompagner et guider le visiteur. L’accueil est incarné, les conseillers de l’OT sont devenus les « experts stéphanois » et nous invitent à les contacter :
La posture est ici profondément renouvelée : on ne communique plus pour faire venir le visiteur à l’Office de Tourisme mais on apporte l’information « les secrets » !) de sa destination là où sont les visiteurs avec les canaux de communication qu’ils utilisent.
L’internet de séjour serait-il en train repositionner l’Office de tourisme ? est-il l’office de tourisme d’aujourd’hui ? Un office de tourisme qui se glisse dans la poche des visiteurs, qui vient à eux pour les guider dans une découverte curieuse d’un territoire …
Ce mouvement est indéniablement porteur de belles promesses pour faire exister les acteurs des territoires dans un univers (celui du voyage) digitalisé et totalement dominé par les grandes plateformes.
etourisme.info du 26 avril 2019