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Nanette Maupertuis : « Face au risque d’une saison blanche, il faut un plan de relance du tourisme »

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Nanette Maupertuis : « Face au risque d’une saison blanche, il faut un plan de relance du tourisme »

01/05/20

Suite à la réunion avec Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères qui s’est tenue mercredi en présence de l’Exécutif corse et des acteurs du tourisme, la conseillère exécutive en charge des affaires européennes et internationales, présidente de l’Agence du tourisme de la Corse (ATC), Nanette Maupertuis, fait, pour Corse Net Infos, un point d’étape. Elle explique que la réunion a permis d’acter un diagnostic pessimiste, la nécessité d’élargir les mesures d’urgence et de co-construire un plan de relance pour éviter un cataclysme. Et rappelle que sa vision stratégique d’un tourisme durable est plus que jamais d’actualité

 Dans quel cadre s’est tenue cette réunion avec le secrétaire d’Etat au tourisme ?

– Le tourisme corse subit une crise historique, sans précédent. L’avant-saison a été complètement anéantie. La saison elle-même est complètement remise en cause. Au regard de ce qui s’annonçait, le Président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, a écrit au Premier ministre et au Secrétaire d’Etat au tourisme, Jean-Baptiste Lemoine, dès le 2 avril dernier, pour attirer l’attention sur la situation spécifique de la Corse. D’abord parce qu’en tant qu’île, elle est soumise à la contrainte des transports, des liaisons aériennes et maritimes, et de l’ouverture ou de la réouverture des aéroports continentaux, notamment l’aéroport d’Orly. Ensuite, il faut rappeler la forte proportion du tourisme au sein du tissu productif insulaire – 24% du Produit intérieur brut (PIB) alors que le taux au niveau national est de 7% – et son importance dans le marché du travail : 1 emploi sur 5 en haute saison, soit environ 20 000 salariés. Enfin, le secteur se compose de très petites entreprises (TPE) familiales, qui ne sont pas adossées à de grands groupes internationaux et qui fonctionnent sur des capitaux propres. Ces TPE, qui ont parfois une compétence de 30 ou 40 ans, risquent de ne plus travailler, voire de disparaître l’hiver prochain. Le ministre a répondu à notre demande en organisant, mercredi matin, une plateforme téléphonique avec tous les acteurs du tourisme à laquelle l’ATC a bien évidemment participé.

– Qui a participé exactement ?

– Toutes les filières et tous les métiers du tourisme étaient présents, qu’il s’agisse des transporteurs aériens, maritimes et terrestres, l’hébergement et la restauration à travers l’Union des Métiers de l’Hôtellerie, les fédérations d’hôtellerie de plein air et de camping, le Cercle des Grandes Maisons, les Gîtes de Corse, les guides-interprètes, les activités de pleine nature. Chacun a pu participer et s’exprimer, c’est une bonne chose. Et a partagé un même constat : si au début du confinement, on pensait pouvoir effectuer la saison même en mode dégradé, c’est-à-dire juillet et août, d’ores et déjà des centaines de millions d’euros sont perdus et 12 000 salariés sont en chômage partiel. Nous avons insisté sur la menace d’un véritable séisme et de catastrophes économiques et sociales en chaîne qui s’en suivraient. Ce scénario catastrophique, fort probable pour les mois de juillet et d’août, à fortiori pour la saison qui suivra, a été acté par le Secrétaire d’Etat.

 – Le président Simeoni parle d’une saison blanche. Partagez-vous cette crainte ?

– Oui. La perspective d’une saison blanche n’est plus à exclure. Les annonces du Premier ministre, mardi après-midi, ne nous donnent aucune visibilité jusqu’à fin mai en matière de circulation touristique, de fréquentation des plages, d’ouverture des restaurants… Cela signifie que les acteurs du monde touristique ne peuvent pas se projeter. Il n’y a rien de pire en économie que de ne pas pouvoir anticiper, préparer sa saison, de laisser pendantes les procédures d’embauche des salariés avec le risque pour les chefs d’entreprises de ne pas retrouver de saisonniers. Cette impossibilité d’anticiper risque de déboucher sur la fermeture de nombreux établissements, soit de manière volontaire, soit parce qu’ils ne pourront pas travailler. Certaines entreprises auront peut-être même besoin d’une aide directe pour renforcer le haut du bilan et d’accompagnement en ingénierie financière pour passer le cap de la crise. L’idée est de sauvegarder l’outil de production. Les incertitudes liées au dé-confinement et à la question sanitaire viennent se coupler pour la Corse, parce que c’est une île,  aux incertitudes en matière de transport de personnes.

– Que disent les transporteurs ?

– Nous avons été partiellement rassurés par les compagnies maritimes et aériennes qui, elles aussi, sont dans l’incertitude, mais attendent le feu vert du gouvernement. Elles envisagent encore leur programmation pour juillet et août, forcément selon un mode très particulier puisqu’il y aura des règles sanitaires et des mesures barrières à respecter. Reste l’inconnue, comme je l’ai dit, de l’aéroport d’Orly. Toutes ces incertitudes risquent de paralyser le système productif insulaire. C’est pour cela que le président Simeoni a évoqué l’hypothèse d’une saison blanche.

– Quelles ont été vos demandes spécifiques ?

– Au regard des spécificités de la Corse, nous avons demandé un plan de sauvegarde et de sauvetage du tissu productif insulaire et la co-construction d’un véritable plan de relance. En même temps, nous nous interrogeons fortement sur les modalités de déconfinement dans un territoire à forte dimension touristique qui accueille 1,4 million de touristes en pleine saison, et environ 3 millions sur l’année. Même si les flux n’atteindront pas les proportions des années antérieures à cause de la crise des marchés émetteurs, nous avons besoin en amont de réfléchir à un dispositif de déconfinement et d’accueil des populations touristiques en prenant toutes les précautions qui s’imposent. Il ne s’agirait pas de se retrouver dans une situation sanitaire compliquée en plein mois d’août ! Il ne faut rien laisser au hasard même si les flux seront plus faibles. Il faut rester très prudents. Aucun risque ne doit pris. Tout cela est à construire dans les jours qui viennent.

– Quelle a été la réponse du Secrétaire d’Etat au tourisme ?

– Il a pleinement partagé notre constat. Il connaît la situation de la Corse car nous avions fait remonter un certain nombre d’alertes et de diagnostics chiffrés. C’est déjà un premier pas. Il nous a répondu favorablement sur la nécessité de mesures d’urgence et d’un accompagnement dans la durée. Les mesures déjà mises en place par l’Etat ont le mérite d’exister – notamment le dispositif d’activité partielle – mais insuffisantes au regard du séisme que nous connaissons, du poids du secteur dans notre économie et du chiffre d’affaires généré dans les industries en amont et en aval. Si on considère tous les effets directs et indirects de l’activité touristique, cela représente pratiquement la moitié du PIB de la Corse. Le Secrétaire d’Etat est bien conscient que les mesures d’urgence auront besoin d’être prorogées si l’activité ne pouvait reprendre et qu’il faut mettre en place un véritable plan de protection et de sauvegarde du secteur. Le Président de la République avait annoncé des annulations de charge et des mécanismes de report d’un certain nombre d’échéances pour les HCR (hôtels-campings-restaurants). Cela devra être étendu à d’autres filières du tourisme et reconduits dans le temps s’il n’y a aucune visibilité.

– Concrètement, sur quoi avez-vous débouché ?

– Nous avons proposé une méthode de travail sur laquelle nous nous sommes entendus. Nous ferons un certain nombre de consultations dans le cadre de la cellule de crise sur le tourisme, que nous avons créée dès le début de la crise avec l’ensemble des parties prenantes concernées. L’idée est de faire remonter dans des délais assez rapides les éléments de notre vision stratégique de court, moyen et long termes avec des mesures essentielles pour sauver les entreprises et les emplois et mettre en place une perspective de reprise et de maintien de la Corse sur les marchés touristiques. L’idée est aussi de réfléchir au futur à partir de notre feuille de route du tourisme durable.

– C’est-à-dire ?

– Le ministre a évoqué la singularité de la Corse et ses richesses environnementales à préserver. C’est, peut-être, donc le moment de réfléchir à cette transition écologique du tourisme que nous pourrions mettre en œuvre dans quelques mois. La Corse pourrait apparaître comme une île « refuge », une île où l’on se ressource, où l’on respire…A condition évidemment que nous réussissions collectivement notre déconfinement ! Le touriste, cette année, mais aussi dans les années à venir, sera très sensible à la question sanitaire. Cela suppose donc une véritable stratégie collective de notre écosystème touristique. Nous aurons besoin d’un accompagnement tant en termes d’ingénierie que de ressources financières pour effectuer cette transition. L’Union européenne a réuni avant-hier ses ministres du tourisme et annoncé que 20 à 25% de son plan de 1000 milliards € seront consacrés à la relance du secteur. La Corse pourrait très bien se positionner en la matière. J’ai plaidé auprès du Comité de régions pour que les îles fortement touristiques puissent bénéficier de dispositifs spécifiques de soutien et de relance adaptés à leurs singularités.

– D’autres rendez-vous sont-ils programmés ?

– Oui. Deux rendez-vous importants sont programmés. Le 14 mai, un comité interministériel du tourisme se réunira. Nous espérons que le Secrétaire d’Etat rendra compte de nos échanges et fera des propositions concrètes pour la Corse. Rendez-vous est pris avec lui, pour la fin mai, date à laquelle nous y verrons un peu plus clair en matière de déconfinement, de transports aérieN, de déblocage et de fluidité des aéroports continentaux. Dans l’intervalle, je le répète, il faut appliquer les mesures barrière, co-construire et suivre les règles déconfinement et…travailler à ce plan de sauvegarde et de relance !

corsenet.info 1/05/20

 
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