Quand la destination mise sur les résidents
L’attrait principal de Copenhague est sa population, selon Wonderful Copenhagen. Ayant constaté la mort du tourisme tel qu’on le connait, l’OGD planifie désormais ses activités autour de cette nouvelle prémisse.
Le trépas
Wonderful Copenhagen (WoCo), l’organisation de gestion de destination (OGD) de Copenhague partageait dernièrement sa stratégie 2020. Il s’agit également d’un manifeste dont le titre The end of tourisme as we know it donne le ton sans équivoque : le tourisme tel qu’on le connait est mort et les façons de faire doivent être adaptées. L’organisme pressent la fin du tourisme de masse et des segmentations affaires ou agrément, urbain ou nature, culture ou cyclisme. Il fait ses adieux au tourisme en tant que secteur isolé opérant en silo, ainsi qu’au marketing d’images parfaites. Enfin, il reconnait l’expiration du rôle de l’OGD en tant que star de la promotion de la destination.
Source : Wonderful Copenhagen
La vie après la mort
WoCo embrasse aujourd’hui de nouvelles réalités. Par exemple, le voyageur est désormais un résident temporaire qui ne cherche pas la photo parfaite, mais plutôt une émotion liée au partage spontané d’expériences basées sur les intérêts, les relations et l’authenticité. Les citoyens jouent un rôle crucial dans l’expérience. L’OGD se dédie désormais à favoriser les rencontres entre les touristes et la population, à faire reconnaitre l’impact économique et sociétal du secteur et à promouvoir l’innovation.
Le marketing change de paradigme : WoCo passe de la promotion classique à la promotion à travers les citoyens et les partenaires de divers secteurs. L’organisme souhaite faciliter la création d’expériences autour d’une vision commune : un sens partagé de la vie locale (localhood). Ils inviteront plus de résidents et de visiteurs à engager la conversation à propos de Copenhague.
Une stratégie qui s’appuie sur quelques tendances :
- L’expérience d’être un résident temporaire, la recherche d’immersion ;
- Les citoyens sont la destination, un attrait majeur ;
- L’image de marque ne vient plus forcément du marketing, mais de ce que chacun pense de la destination et communique ;
- L’OGD a un nouveau rôle de facilitateur du partage d’expériences, au bon endroit et au bon moment, autour de thèmes caractéristiques de la destination ;
- Des voyageurs aux profils multiples et changeants ; chaque personne doit être abordée individuellement ou en micro-segment ;
- Le fort potentiel du tourisme urbain où il faut tenter de trouver l’équilibre afin de respecter la qualité de vie des citoyens ;
- Au-delà du numérique – qui est omniprésent –, on vise la connaissance stratégique à travers de nouvelles données ou le big data.
Nouvelle vie, nouvelle approche concertée
Tel que mentionné par Signe Jungersted, directrice du développement de WoCo lors de la conférence de Destinations International en juillet à Montréal, les parties prenantes de l’industrie ont été consultées pour la réalisation de ce plan. Le plus grand défi a été de leur faire prendre conscience que le tourisme a déjà changé. Autre gain, elles ont accepté de ne plus mesurer la performance touristique qu’en termes de nuitées.
WoCo a également invité les résidents à participer au dialogue. Il importe d’avoir l’assentiment de la population pour cette démarche et de stimuler la fierté qu’ils éprouvent envers leur ville. Considérant que celles-ci représentent la principale attraction, la réussite repose sur la capacité à trouver l’équilibre et l’harmonie dans les interaction entre les citoyens et les visiteurs.
Cinq axes stratégiques vitaux
Le plan repose sur des orientations stratégiques (coordinates). Pouvant mener l’OGD bien au-delà de 2020, ces axes sont accompagnés de quelques stratégies qui seront constamment remises en question en fonction du contexte changeant. Les efforts seront orientés vers le partage d’information (shareability is king), la fidélisation de la clientèle, l’investissement aujourd’hui pour attirer de nouveaux marchés demain, la co-innovation avec les partenaires et une croissance qui s’appuie sur des individus (people-based growth).
Source : Wonderful Copenhagen
Pour chacun des axes, le plan précise également ce qui ne sera pas ou cessera d’être fait. On mentionne enfin quelques actions concrètes pour 2017 et l’avis des parties prenantes sondées précédemment. On note ainsi l’appui de l’industrie sur ces aspects, mais aussi les éléments d’inquiétude à prendre en considération.
Source : Présentation de Signe Jungersted, directrice du développement de WoCo lors de la conférence Destinations International
Prenons l’exemple du partage d’information (shareability is king). Dans le contexte où les médias sociaux augmentent la force et la portée du bouche-à-oreille dans le positionnement d’une destination, WoCo souhaite favoriser les conversations pertinentes. Pour ce faire, il entend notamment :
- Développer l’intelligence d’affaires pour comprendre la situation et optimiser l’appropriation de la vision localhood : l’appréciation des visiteurs, la nature et la qualité de leur engagement ;
- Aider les partenaires à créer des moments partageables ;
- Encourager et diriger un storytelling continu au cours de l’année.
Les professionnels de l’industrie sondés appuient l’organisation dans l’abandon de sa fonction de superstar du marketing. Ils hésitent cependant à approuver son rôle exclusif de facilitateur. La démonstration de résultats concrets demeure à faire.
Puisque l’expérience authentique dépend des interactions avec la population, l’OGD vise aussi une croissance orientée autour des individus (People-based growth) et non seulement basée sur l’augmentation du nombre de touristes. Pour y arriver, WoCo souhaite, entre autres :
- Assurer la collecte et l’analyse de données sur l’état d’esprit des visiteurs et des citoyens ainsi que des interactions entre eux ;
- Impliquer davantage de parties prenantes (acteurs publics, planificateurs urbains, etc.) dans cette forme de croissance afin de réduire les irritants pour les touristes ;
- Favoriser les moments de partage entre la population et les visiteurs.
On ne vise donc pas la croissance pour la croissance, mais plutôt un équilibre et une harmonie entre les citoyens et les visiteurs. Les intervenants et les résidents sondés ne perçoivent pas encore la destination comme saturée ou dans un contexte de tourisme de masse et souhaitent que l’OGD continue à attirer davantage de touristes.
Source : Visit Copenhagen
Pour la majorité de ces orientations, la connaissance est une stratégie clé de WoCo. Il ne s’agit pas de colliger les données menant seulement aux indicateurs habituels, mais plutôt de comprendre l’état d’esprit des visiteurs et leurs interactions avec les citoyens. Le suivi des perceptions et des sentiments des résidents est pour eux essentiel afin de favoriser l’harmonie et l’envie de partager.
veilletourisme.ca du 13/09/17
Etude réalisée par Maïthé Levasseur