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Tourisme en Corse : vers des quotas inédits pour les vacanciers cet été ?

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Tourisme en Corse : vers des quotas inédits pour les vacanciers cet été ?

21/05/23

A lire sur lefigaro.fr du 16/05

Plus d’un an après leur vote par l’Assemblée de Corse, les premières mesures pour lutter contre l’hypertourisme pourraient être appliquées aux îles Lavezzi, dans la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio. Mais pas seulement.

«La promotion pour juillet et août de la Corse, c’est terminé !», affirme Angèle Bastiani. «On ne va plus faire la promotion des sites qui sont déjà trop fréquentés, mais plutôt la promotion des sites moins fréquentés». Au micro de France 3 Corse ViaStella ce vendredi 12 mai, la présidente de l’Agence du Tourisme de la Corse (ATC), annonce ainsi la reconduction d’une mesure de «démarketing» déjà prise l’été dernier, quelques mois après un vote inédit de la collectivité territoriale sur le tourisme dans l’île de Beauté.
Le 28 octobre 2021 en effet, l’Assemblée de Corse a demandé au service «Aires Protégées de la Mer des îles et du Littoral» en charge de la gestion des Bouches de Bonifacio, une feuille de route pour mettre en place des «quotas de fréquentation» des îles Lavezzi, auxquels La loi Climat et résilience d’août 2021 a ouvert la voie.

La mise en œuvre dépend d’un arrêté du maire de Bonifacio

L’archipel est un joyau naturel et géostratégique, situé en plein milieu des Bouches de Bonifacio, dans le détroit international qui sépare l’île de Beauté de l’italienne Sardaigne, distante de 13 kilomètres tout au plus. Depuis 1982, c’est une réserve naturelle. Près de 300 000 personnes y convergent chaque année, et 3000 peuvent se retrouver en même temps sur la seule île Lavezzo (observé lors d’un pic du 15 août), grande comme une exploitation agricole (69 hectares). Pour les touristes le rêve vire au cauchemar et l’avenir même du site est en jeu.
On a cru, à tort, que la décision de l’Assemblée de Corse serait appliquée dès la saison estivale 2022, en même temps que la jauge expérimentale lancée dans les calanques de Marseille, qui la reconduisent d’ailleurs cet été. Mais «Les Bouches de Bonifacio sont une réserve naturelle pas un parc national. Et en 2022, le plan d’action ne prévoyait pas de quota juridiquement mis en place », explique au Figaro Jean-Michel Culioli, chef du service «Aires protégées de la mer, des îles et du littoral». Le suspense est à son comble en attendant la décision du maire de Bonifacio, car c’est à lui de prendre l’arrêté qui fixera le cadre juridique de sa mise en œuvre.

Pas plus de 2000 personnes simultanément sur l’île Lavezzo

Dès fin juin, pas plus de 2000 personnes pourront être présentes simultanément «sur la partie terrestre de l’île Lavezzo, détentrices d’une autorisation ou d’une réservation», précise un document officiel de l’Office de l’environnement de la Corse. Et la mesure s’intensifie et s’étend au-delà de l’été 2023. «Les quotas annuels sont établis à 200 000 visiteurs maximum par an jusqu’en 2026 », puis «150 000 personnes maximum débarquant sur la partie terrestre.», moitié moins qu’aujourd’hui.
Pour atteindre cet objectif, des caméras de comptage des bateaux ont été fixées sur les rochers. Viendra ensuite la «mise en place d’un QR code pour 2023», annonce Jean-Michel Culioli. «Le plan d’action permet des zones de quiétude de la nature : 3 kilomètres de sentiers contre 27 km auparavant et 900 m2 de plages en fermant le nord de l’île au public et en interdisant l’accès aux bateaux de plaisance. », précise encore cet enfant de Bonifacio, fils d’un gardien de phare, qui connaît «chaque rocher, le moindre recoin», y compris sous l’eau, de la réserve naturelle qu’il suit depuis 40 ans.
La fermeture du nord de l’île Lavezzo doit être effective entre le 15 et le 30 juin sur décision du préfet maritime et ce, pour une durée de 3 ans. Au cours de cette période doivent être évalués les bénéfices pour la flore et les oiseaux marins, dont les sites de nidification et d’apprentissage situés sur les îlots de l’archipel peuvent être impactés par un possible effet report. «Les grosses compagnies maritimes ont compris qu’il fallait faire plus d’allers et retours», affirme notre observateur, et le plan d’action prévoit aussi de «favoriser une orientation complémentaire de l’offre des transporteurs vers l’île de Cavallo» voisine.

Interdiction de jeter l’ancre autour des îles de Ratini, Sperduto et Purragia.

Jean-Michel Culioli veut sensibiliser «les acteurs socio-économiques» pour les convaincre de respecter ces nouvelles contraintes. «Nous leur disons qu’ils ont un joyau. En Corse, l’année se fait sur deux mois. Il faut parer à l’ubérisation de la société qui se retrouve aussi en mer. C’est pourquoi les 14 bouées entourant les îles Lavezzi sont désormais attribuées par l’Office de l’environnement, aux professionnels uniquement, qui doivent réserver un créneau.» Et interdiction est faite désormais aux plaisanciers de jeter l’ancre à l’intérieur d’un périmètre de 250 m autour des îles de Ratini, Sperduto et Purragia.
a montagne n’est pas en reste. Des restrictions s’appliquent au massif de Bavella, un haut lieu de randonnée et de canyoning. «Il y avait énormément de stationnements anarchiques sur cette route de montagne peu sécurisée, avec un problème de dénaturation. Cela a été supprimé par la pose de barrières et de blocs rocheux », déclare au Figaro Marie-Luce Castelli, chef du service «Valorisation et dynamique des territoires» à l’Office de l’environnement de la Corse. Des parkings ont été aménagés. La plupart existaient, mais ils restaient méconnus, et délaissés par les Corses eux-mêmes.
Quatre écogardes sont désormais là pour veiller au site et informer, du 1er juillet au 31 août, sur l’existence de l’aire de stationnement et d’accueil de Ponte Grossu, gratuite, qui peut aujourd’hui contenir une centaine de véhicules contre 25 en moyenne auparavant. Il y a aussi l’aire d’Arghjavara et le parking de Bavella, mais tous deux payants. «En se réappropriant le territoire, la limitation de la fréquentation se fait par l’aménagement», souligne cette ingénieure qui s’occupe aussi de l’amélioration du cadre de vie lié à la pierre sèche.

Alternatives acceptables

Dans la vallée de la Restonica, c’est le réaménagement du parking du Lamaghjosu, payant du mois de mai au mois de septembre (6€ pour les voitures, 3€ pour les motos), qui contribue à la fois à l’autofinancement de la commune et à protéger le site. Mais la voiture semble encore être un mal nécessaire dans l’île où le réseau de chemin de fer est un projet à long terme. À Bavella, il n’y a pas de limitation de passages des voitures, dont il n’y a jamais eu de comptage, ni pour les piétons d’ailleurs (alors qu’il existe douze comptages piétons sur le GR20).
Mais «Bavella est une route territoriale. On ne peut pas y instaurer de quotas. Il faut privilégier le démarketing et proposer des alternatives acceptables», explique Marie-Luce Castelli. Elle évoque les réseaux Mare à Mare (nord, sud et centre) et Mare è Monti (nord et sud), qui changent des chemins de grande randonnée, et celui des 17 sentiers du Patrimoine, qui permet aux locaux de se le réapproprier, et aux voyageurs de les rencontrer.
 

 

 

 

 

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