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Un tourisme durable est-il soutenable ?

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Un tourisme durable est-il soutenable ?

13/11/17

Après un tour du monde en blanc qui l’a amené à visiter 274 stations de ski, Armelle Solelhac, PDG de l’agence SWiTCH, a entrepris un tour du monde en bleu, de la Nouvelle-Calédonie aux Seychelles en passant par les Antilles. A partir de ses observations et analyses faites lors de ses périples, cette spécialiste des stratégies de mise en marché des destinations, qui a le voyage chevillé au corps, livre à TOM des pistes de réflexions sur le futur du Tourisme.

Signe des temps, des manifestations anti-tourisme se sont multipliées en Europe cet été – à Barcelone, Venise et d’autres citées de l’arc méditerranéen-, dénonçant les nuisances et impacts négatifs du tourisme de masse, que ce soit sur la population locale ou sur l’environnement. Le tourisme est durable dans le sens où il va non seulement perdurer, mais croître. Or, il doit rester soutenable. Les destinations qui se saisiront des questions environnementales en feront un argument commercial. Les clients sont de plus en plus sensibles à ces éléments.

L’homme a toujours circulé. Or, ne serait-ce que par l’accroissement du trafic aérien, le tourisme contribue à la pollution de l’environnement. Une archi-circulation reste plus que nécessaire afin d’éviter le repli sur soi. Seule une ouverture sur le monde peut contrer le risque de sclérose et d’obscurantisme en balayant la peur -irrationnelle et infondée- de l’autre et de sa culture. Pour le bien de l’humanité, il faut au contraire faire vivre les différentes cultures en allant à leur découverte, en essayant de les comprendre et s’inspirer de ce qui nous semble être les meilleures pratiques des uns et des autres afin d’améliorer la vie de tous.

La question pour les touristes n’est pas faut-il voyager, mais comment voyager en ayant le plus petit impact environnemental possible ? Et du côté des professionnels, comment avoir une exploitation économiquement rentable sans abîmer ce qui fait justement l’objet du tourisme : notre environnement.

 Comment concilier tourisme et environnement ?

Nous sommes entrés dans la 6ème extinction de masse des espèces animales. Des études démontrent les conséquences dramatiques de la défaunation sur l’écosystème. Quid de l’avenir du tourisme au Kenya si les lions et les girafes disparaissent ? C’est tout un pan du tourisme qui s’effondre. Cette question de l’environnement doit devenir une priorité tant au niveau international qu’au niveau local et chaque prestataire et acteur du tourisme, quelle que soit sa taille, doit s’impliquer. Que ce soit à petite ou plus grande échelle, des exemples novateurs et efficaces existent déjà, notamment en Californie, pro-active et incitative au niveau environnemental. Cet état des Etats-Unis colle non seulement aux engagements du plan climat de la COP21 et les dépasse même ! Soumis à de violentes sécheresses et à des difficultés en approvisionnement en eau, les autorités californiennes essaient d’apporter des réponses innovantes face aux énormes enjeux écologiques et sociaux liés au réchauffement climatique en s’appuyant sur la population locale. La végétation ayant un impact important sur la température, la Californie aide via des « tickets plantes » l’ensemble des particuliers à investir et planter des végétaux pour ré-oxygéner l’atmosphère en lui offrant une plante pour chaque plante achetée. L’efficacité de cette mesure à l’échelle d’un état n’est pas négligeable et permet de lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi de créer de l’agrément visuel nécessaire à la beauté d’un lieu.

L’une des clefs consiste à arrêter de voir l’environnement comme une contrainte mais plutôt comme un levier d’ingéniosité, ce qu’a bien compris la Californie. Ces pratiques vertueuses vont de petits gestes non contraignants et simples à mettre en œuvre jusqu’à l’implication des touristes et de la population locale.

L’une des clefs consiste à arrêter de voir l’environnement comme une contrainte mais plutôt comme un levier d’ingéniosité

Exemples de bonnes pratiques

En optant pour des lampes à capuchons qui projettent la lumière vers le sol plutôt que d’éclairer le ciel ce qui perturbe moins les oiseaux et permet de contempler les étoiles, COMO, chaîne hôtelière d’exception (ici, COMO Parrot Cay dans les Turks and Caicos), lutte contre la pollution lumineuse. A l’hôtel Méridien* de l’île aux Pins en Nouvelle-Calédonie, au lieu de pomper de l’eau potable, la chasse au gaspillage passe par l’utilisation des eaux usées pour l’arrosage. Plutôt que de finir dans l’océan, l’eau des toilettes est récupérée et traitée par la station d’épuration de l’hôtel. La meilleure économie d’énergie est celle que l’on ne produit pas, il en est de même des déchets. Ainsi, Outrigger** signale à ses clients via un sticker placé sur la fenêtre que le système d’air conditionné s’arrête automatiquement quand les fenêtres sont ouvertes. Pragmatiques, certains hôtels remplacent les bouteilles d’eau en plastique par des carafes à filtre. Autre levier, le tri et la valorisation des déchets. Sur l’île de Mantaray (Fidji), des filets de tennis sont recyclés en hamac. A l’Outrigger Fidji Beach Resort, les déchets organiques nourrissent la basse-cour de l’hôtel, cochons et poules, dont les œufs produits sur place, comme les légumes du potager, sont utilisés en cuisine et atterrissent dans l’assiette des clients et du personnel. Produits frais et circuits les plus courts possibles sont favorisés. COMO Parrot Cay fait vivre une expérience agréable à ses hôtes en leur servant du poisson cuisiné sous leurs yeux et qu’ils ont eux-mêmes choisi chez le pêcheur. Difficile de faire plus frais !

Impliquer les populations locales et les touristes

Environnement et social sont indissociables. Le groupe hôtelier Marriott, qui comprend les marques Le Méridien et Sheraton, l’a bien saisi. L’une de ses solutions consiste à impliquer les locaux dans l’actionnariat de ses établissements. En Nouvelle-Calédonie, 51% des actionnaires de l’Hôtel Le Méridien l’île des Pins et du Sheraton Deva sont les tribus locales, ce qui a plus d’un avantage : elles sont d’abord plus enclines à prendre soin de leurs terres ancestrales et à faire attention à leur environnement. Sans oublier que chaque investissement est pensé à long terme.

Les exploitants des lieux touristiques se nourrissent de la planète et de ses beautés. Il est légitime qu’ils lui rendent ce qu’ils ont puisé. Ainsi Outrigger (ici, à Fidji) implique son personnel dans la décision des lieux à nettoyer : plages, récifs coralliens, routes ou sites touristiques. Outrigger a également déployé le programme Ozone qui distille pédagogie et consignes pratiques aux clients de leurs resorts pour les inciter aux bonnes pratiques sans être moralisateur. Comment faire pour se baigner sans abîmer les coraux et participer à leur sauvegarde ? C’est le cheval de bataille de la vice-présidente du groupe, Bitsy Kelley, qui propose d’utiliser des crèmes solaires non destructrices des coraux, de ramener au moins un déchet après chaque bain et de le mettre à la poubelle, de recycler les déchets, d’utiliser le moins d’eau potable possible, etc. Une fiche pratique est remise au client avec des conseils d’un côté et les variétés de poissons de l’autre afin de lier l’utile à l’agréable. Des échantillons de crème solaire non polluante sont aussi offerts dans chaque chambre. Impliquer les visiteurs dans des programmes d’éco-tourisme a un impact positif sur l’environnement mais cela impacte aussi les mentalités.

La qualité de l’environnement fera la valeur ajoutée d’une destination

Désormais, la valeur ajoutée d’une destination passe aussi et surtout par la qualité de son environnement. Une mauvaise qualité de l’air entraîne une communication de la part des médias potentiellement dévastatrice pour la destination. Ce fut le cas pour le Brésil à l’occasion de Jeux Olympiques de Rio en 2016. Personne n’a envie de passer ses vacances dans un lieu plus pollué que son lieu de vie !

Le futur appartient donc aux destinations qui auront compris qu’elles doivent faire très attention à leurs émissions de CO2, à la manière dont elles traitent leurs espaces verts, gèrent leurs déchets et intègrent les bâtiments. Ce sera plus difficile pour les destinations qui ne mettront pas en œuvre les moyens nécessaires pour que l’air soit propre et qu’il y ait suffisamment de végétation. Mais attention à la communication sur la question de l’environnement : s’il est facile de créer un écran de fumée auprès des consommateurs, une parole juste est capitale. C’est d’ailleurs l’une des attentes principales des touristes en la matière.

Tom.travel du 13/11/17

 

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