VENTES, RESAS : LA REPRISE C’EST MAINTENANT… ALORS, ÇA BICHE ?
Jeudi 28 mai 2020, Edouard Philippe libérait les Français du confinement. Un vent de liberté et de joie soufflait sur la France, le tout baigné par un soleil de plomb. La limitation des 100Km sautant, les réouvertures des frontières se faisant, les Français ont-ils sorti la carte de crédit pour réserver massivement leurs prochaines vacances ? Quelles sont les tendances ? Nous avons interrogé les professionnels du tourisme et scruté Google… La reprise c’est maintenant !
La chape de plomb qui maintenait les Français dans un périmètre restreint autour de leurs habitations s’est levée, les frontières de quelques pays ouvertes, avant une possible bonne nouvelle le 15 juin prochain.
A partir de cette date « les déplacements en Europe seront, je l’espère, autorisés, » déclarait alors le Premier ministre.
Des bonnes nouvelles en pagailles alors que l’été se rapproche avec empressement.
Après avoir traité des centaines de milliers de dossiers d’annulations, du côté de Misterfly les sourires sont de retour.
« On a largement franchi le seuil des 10 % de volume d’affaires (comparativement à la semaine du 25 au 31 ami en 2019 ndlr), la prochaine barre est fixée 20 % … est ce que cela sera pour cette semaine ou la prochaine ?
Nous ne le savons pas, mais nous espérons, » confie Frédéric Pilloud, le responsable digital de MisterFly.
Un discours bien loin des précédents, où la norme était d’observer un volume d’affaires inférieur à plus de 90% comparativement à celui de l’année précédente, mais est-ce que tout repart réellement ?
Pour Google Trends : la reprise c’est [aussi] maintenant !
Pour avoir un regard un peu plus macroéconomique et de recherches, il suffit de se rendre sur Google, le Big Brother du Net.
Et bonne nouvelle, les voyants semblent enfin être tous passés au vert.
La requête « vacances » a connu un fort pic le 28 mai 2020 à 18h, soit pendant les éditions spéciales des jounaux télé pour présenter la phase 2 du déconfinement.
Non seulement l’évolution de l’intérêt est passée de 20 le matin à 49, près de 12h plus tard, mais depuis les volumes de recherches n’ont cessé de se maintenir à des niveaux élevés, avec un lundi 1er juin marqué du sceau de l’euphorie.
Pour se rendre compte de l’importance de cette reprise dans les recherches des internautes français, il suffit de regarder en prenant de la hauteur.
Ainsi, sur les 30 derniers jours, l’intérêt à doubler entre le 6 et le 30 mai 2020, mieux il fallait remonter au 15 mars, date de la fermeture des bars et restaurants, pour retrouver pareil niveau.
De plus, le volume de recherches est quasiment le même que celui de l’année dernière à la même époque (51 en 2020, contre 53 en 2019).
Autre élément intéressant, en scrutant Google Trends, celui des sujets associés démontrant que nos compatriotes ont des envies d’ailleurs et même dans des pays, où les frontières ne sont pour le moment pas rouvertes.
Puisque la plus forte progression revient à Marrakech (+900%), devant Voyages Leclerc (+140%), Last Minute (+130%), l’Île d’Oléron (+130%) ou encore résidence de tourisme (+120%) et l’Île de Ré (+110%).
Néanmoins, la destination France semble plébiscitée.
Pour se rendre compte de l’intérêt des Hexagonaux pour leur pays, alors que le gouvernement souhaite que nous restions à la maison pour relancer notre économie touristique, il intéressant de s’attarder sur les recherches autour de « billet avion » ou « billet d’avion ».
Dans le cas présent, la Corse truste les requêtes sur les 7 derniers jours.
Attention, car si les Français veulent partir, cela ne fait plus de doute, ils se renseignent aussi sur le Portugal (Faro en croissance), la Tunisie (Tunisair en forte hausse), les destinations sans doute accessibles et… Misterfly (7e recherche associée).
Vols, hôtels, destinations… comment se déroulent les réservations ?
L’entreprise menée par Carlos Da Silva et Nicolas Brumelot retrouve des couleurs après un printemps bien terne, marqué principalement par un tsunami d’annulations.
« La reprise c’est comme pour les écoliers : c’est dès maintenant et petit à petit pour être prêt en septembre, » explique le responsable digital de l’agence de voyages en ligne.
Avec un volume croissant, Misterfly table sur un été 2020 avec un chiffre d’affaires équivalent à 30% de celui de l’année précédente.
Un optimisme qui gagne tout l’écosystème ou presque.
Les sourires se font entendre de l’autre côté du téléphone, les voix sont dynamiques, les professionnels sont en ordre de marche pour rattraper le temps perdu… mais les clients aussi.
« Les tendances sont excellentes, voire même meilleures que prévues.
Après les annonces du 14 mai, nous avions eu un pic des réservations, avant de constater des niveaux de croissance à deux ou trois chiffres par rapport à l’année dernière directement après l’allocution du Premier ministre » rapporte Gregory Sion, le tout nouveau président de la marque Pierre&Vacances.
La dynamique est toujours palpable quelques jours après les annonces.
Du côté de l’hôtellerie de plein air aussi, la courbe repart à la hausse. Nicolas Dayot, président de la FNHPA – Fédération nationale de l’Hôtellerie de plein air précisait à l’issue du comité du filière tourisme : « Il y a deux mois les réservations étaient à -80% pour les Français et -90 % pour la clientèle étrangères.
Au 14 mai, nous sommes arrivés au point zéro, c’est à dire au même rythme que l’an dernier pour les resas des Français. Depuis les dernières annonces le secteur a triplé le nombre de résas en rythme journalier. Nous sommes en phase de rattrapage »
Le secteur réalise 80% de son chiffre d’affaires en juillet août.
Des résultats confirmés par Mikael Quilfen, directeur marketing et communication de Siblu qui voit la réouverture de ses établissements après plus de deux mois de fermeture.
« Tous les voyants sont au vert, pour tout vous dire, sur la seule journée du 1er juin nous avons eu un trafic multiplié par 5 et les réservations par 10. »
A mesure que le brouillard se lève sur la tenue ou non des vacances estivales, les Français sont passés à l’action, en réservant leurs prochaines vacances ou week-ends.
Une tendance haussière constatée sur l’ensemble des marchés qu’ils soient dans l’aérien, résidences de vacances ou même dans l’hôtellerie.
Pour Logis, un acteur très en vue durant le confinement que ce soit pour ses actions sociales ou sa lutte contre les OTA, la fin du périmètre des 100 km a eu un réel pouvoir libérateur sur le porte-monnaie des Français.
« Lors de la semaine du 24 au 30 mai, nous avions enregistré une hausse de 89% des réservations, donc nous nous attendons de nouveau à une très grosse semaine, » rapporte Karim Soleilhavoup, le directeur général de Logis Hotels & Citotel.
Toutefois, il convient de relativiser, car les constatations se basent sur des volumes relativement faibles et parler d’une croissance de 130% sur une quantité neurasthénique à l’arrivée ça ne fait pas grand-chose.
Pour comprendre l’ampleur du travail qu’il reste à accomplir les Entreprises du Voyage ont compilé quelques chiffres à faire pâlir de dépit, le plus vaillant des vendeurs.
« Concernant les réservations en ligne au niveau de l’Europe nous sommes environ à 20% du volume constaté sur la même semaine l’année dernière (25 mai au 31 mai 2020, ndlr), mais cela tombe entre 5 et 10% pour les agences classiques » selon Valérie Boned, la secrétaire des Entreprises du Voyage.
Des chiffres relativement faibles, mais derrière lesquels se cachent une pente ascendante salvatrice et des tendances intéressantes sur les besoins et les envies des clients.
Une embellie certaine, mais quels sont les produits gagnants ?
S’il ne fait pas de doute que la France est la grande gagnante, pour le moment, le Portugal serait la destination refuge, avec 9,4% de part de marché et une deuxième place.
« Sur les destinations clairement la France (87% de parts de marché contre 25% habituellement) et l’Europe du Sud sont dans les tops tendances, mais surtout les réservations dans les hôtels repartent, » explique le responsable de Misterfly.
Autant sur les vols, les voyageurs se projettent allègrement sur juillet et août, autant pour les hôtels, ils privilégient le court terme, en attendant que les infrastructures annoncent les dispositions et les mesures.
Une petite victoire qui offre aussi son lot d’enseignement, chez ses confrères des agences en ligne.
Pour le réseau indépendant d’hôtels, si juin devrait être catastrophique (-85%) malgré un rattrapage attendu, les réservations sont très fortes sur juillet et août.
« Nous constatons une reprise de la clientèle affaires nettement plus forte que celle de loisir, sur 4 jours elle est même en progression de 78% et nous avons aussi observé un plus grand passage en direct des clients, » rapporte Karim Soleilhavoup.
Les OTA boudés s’expliquent par un important travail pédagogique fait auprès de la clientèle sur les réseaux sociaux.
A chaque acteur ses constats, car pour Misterfly, plus le responsable regarde loin et moins les réservations sont importantes, un point de vue partagé chez Siblu.
« Pour le moment nous avons beaucoup de réservations pour juillet, moins sur août, mais ce sont plus traditionnellement des réservations tardives. »
Et d’ailleurs les voyageurs ont décidé de se faire plaisir et adapter leurs prochains séjours à un contexte particulier, après deux mois de confinement.
Les grandes villes laissent place à la verdure ou aux plages, mais aussi à des logements plus hauts de gamme.
« Les clients ont besoin de profiter pleinement et se retrouver en famille, la demande est très forte pour la montagne représentant plus de 20% de la demande, contre 15% habituellement » ajoute Gregory Sion.
D’ailleurs chez Pierre&Vacances, si la Région PACA reste numéro en termes de volume, la part de marché s’érode, pour privilégier la Bretagne et la Normandie.
Pour le patron des résidences de vacances, la clientèle évite les étroites plages de la Côte d’Azur, pour privilégier les destinations estampillées « nature » et moins suffocantes l’été.
Un choix qui résulte d’un mix entre « le réchauffement climatique, la peur du virus et le principe de distanciation sociale. »
Après l’épidémie, les Français n’en auraient pour autant pas oublié les réflexes pour endiguer la propagation du virus.
Sur le site de Siblu et au centre d’appels, les questions fusent au sujet de la désinfection des logements, les modalités des arrivées, les mesures sanitaires, etc.
Alors que la marche avant paraît cette fois-ci bien enclenchée, qu’une deuxième vague ne fait plus parler d’elle, reste une incertitude : celle de voir la clientèle étrangère revenir dès l’été 2020.
« Nous ne voyons rien venir, les européens attendent l’annonce du 15 juin sur une possible réouverture des frontières.
Les positions seront plus claires à partir du 1er juillet. Cette année les réservations de dernières minutes seront la règle, puis nous sommes dépendants des décisions politiques, pour pouvoir se projeter, » conclut Karim Soleilhavoup, le directeur général de Logis Hotels & Citotel.
Un enjeu important pour un acteur, où la clientèle étrangère représente près de 45% du chiffre d’affaires.
Petit à petit, le tourisme délaisse les titres de la presse grand public à mesure que la France retrouve sa liberté chérie et le chemin parait pour la même occasion de moins en moins tortueux…
tourmag du 3 juin